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BCC : La dépréciation du FC nourrit un débat citoyen

La brutale dépréciation de la monnaie nationale, fin juillet, a remis sur le tapis la problématique de sa gestion. Impacté, le citoyen ordinaire y est allé de son commentaire. À l’étranger, la diaspora qui soutient les familles au pays, exprime ses craintes et émet des suggestions dans un débat citoyen.

La dépréciation de l’asymétrie monétaire sur le marché de change et, dans le commerce en RDC, était chiffrée à 20 %. Elle a occasionné une inflation brutale des prix à la consommation de plus de 22 %, malgré la chute du taux de change pour les acheteurs du FC par rapport au dollar. Elle a aussi enregistré une appréciation statistique du dollar, soit 1 dollar pour 2020 FC le weekend ; ensuite 1 dollar pour 1500, 1600 ou 1800 FC.

Cette appréciation du FC a eu raison des spéculateurs – bureaux de change, banques, cambistes – qui détenaient en liquide beaucoup de FC. La chute surprise du FC a permis aux vendeurs (spéculateurs) de garder toujours leurs monnaies étrangères. Le dollar est donc devenu une monnaie de réserve et le FC, une monnaie en spéculation avec des spreads importants aux vendeurs.

Durant cinq jours, le marché de change a été contrôlé par les spéculateurs, les instructions de la BCC demeurant lettre morte. Pourquoi ce déséquilibre sur le marché de change sans la moindre correction ou intervention résiliente du Comité de la politique monétaire (BCC) ? Dans cette course aux intérêts de change, les spéculateurs ont gagné beaucoup d’argent au détriment de la population et de la Banque centrale avant son intervention tardive avec 25 millions de dollars au profit des Banques commerciales et non du marché parallèle qui spécule sur le FC.

Sur les marchés financiers, le mot et le discours d’un dirigeant politique peut perturber le taux de change dans la période d’absence de confiance dans une économie ancrée dans une devise (dollar) qui contrôle l’économie locale. À la dernière réunion du Conseil des ministres, le président a demandé au ministre des Finances et au gouverneur de la BCC de faire le nécessaire pour soutenir le FC qui subit la dépréciation. Aux yeux des spéculateurs, le propos du président devait donner lieu à une correction : soit la dépréciation du FC, soit son appréciation brutale.

Dès cet instant, la balle devait être au camp du Comité de la politique monétaire. Il lui revenait d’injecter par surprise plus de liquidités sur le marché de change en achetant le FC au taux du marché pour activer son appréciation par rapport au dollar.  Mais la timidité de la BCC a permis aux spéculateurs de contrôler le marché en imposant leurs taux à la vente, suite aux réserves de la masse monétaire traînant sur le marché parallèle. En conséquence, l’économie de la monnaie congolaise est restée aux mains des spéculateurs durant le week-end.

En plus, la BCC a promis de soutenir la monnaie en injectant des dollars dans le circuit des Banques commerciales. Elle ne devait plus rien dire mais plutôt laisser les marchés s’autoréguler sans faire l’annonce d’injection des fonds. Cette action n’a pas permis d’enrayer la correction inflationniste du FC. Elle a plutôt profité aux Banques commerciales en spéculations, et non au marché interbancaire.

Plus de profits aux banques commerciales qu’à l’économie

La BCC s’est donc comportée en pyromane par son annonce. L’agitation qui s’en est suivie est survenue à la suite de la loi du marché, à savoir la loi de l’offre et de la demande. Non, il n’y a pas eu pénurie de FC sur le marché de change pour pousser à son appréciation. Non, on aurait eu rareté de FC sur le marché de change s’il y avait eu l’intervention de la BCC pour acheter les FC. Et pourtant les spéculateurs avaient des FC en quantité importante, refusant de se soumettre au taux de la BCC (FC 1 972/$) et imposant leurs taux (1 500 FC, 1 600 FC).

Dans toutes les provinces, il y a eu polycentrisme monétaire de change et impossibilité de la BCC de soutenir la monnaie. Quand, actuellement, la BCC promet une liquidité importante des devises, je ne crois pas que la grande masse de devises proviendra de la diaspora ou des miniers. Durant la période du Covid-19, il y a ralentissement de l’économie mondiale et confinement dans plusieurs États pourvoyeurs des devises. Je ne pense pas qu’en un seul week-end, il y ait eu des millions de dollars en provenance de l’étranger. Que représente la réserve de change durant les cinq jours de l’agitation spéculative ? Le problème est que, durant la semaine dernière, le dollar est devenu une monnaie de réserve. Ne voulant pas subir la dépréciation brutale du FC, ses détenteurs ont décidé de conserver leurs devises.

Pendant une émission à la radio Top Congo FM, le DG du Comité de la politique monétaire n’a pas eu les mots justes pour rassurer le marché de change. Je pense qu’après cette intervention, la BCC pouvait par surprise contrôler le marché des loyers d’argent au jour le jour, en injectant des devises et contrôler le taux de change. Dommage ! Il y a eu une inflation brutale et une dépréciation en un seul week-end, et des spreads important aux spéculateurs.

La politique de la Banque centrale pour soutenir la RDC, en termes de relance de la croissance, profiterait plus aux banques commerciales qu’à l’économie congolaise. D’où les suggestions suivantes : recourir à la monétisation de la dette, auprès des Banques tous les mardis, et augmenter la masse monétaire ; injecter 25 millions de dollars pour soutenir les importations, dans une période idéale où la monnaie est stable ; contrôler les charges gouvernementales.

Toutes les mesures prises durant cette période ne profiteraient pas aux Congolais. Il faut des plans qui financent et soutiennent l’économie réelle de proximité. Il faut créer une classe intermédiaire en RDC, capable de toucher un salaire de 2.000 dollars afin d’épargner. Nous traversons depuis plusieurs années une récession répétitive. Donc, il faut une bonne relance afin d’éviter la stagflation.

Un pays doté d’une Banque centrale indépendante bénéficierait d’un taux d’inflation  faible, sans coût apparent pour la croissance économique. Sans une gestion rigoureuse de la Banque centrale et un leadership fort, malgré son indépendance du pouvoir de l’État, la politique monétaire resterait négative sur la croissance.

L’effet de surprise ne peut se répéter indéfiniment

Pour l’expertise interne de la Banque centrale, il faudrait une expertise monétaire indépendante, et pas nécessairement la Cour des comptes. La Banque centrale aurait ainsi pour principaux objectifs: la stabilité des prix, le plein-emploi, le contrôle de la masse monétaire en circulation, le contrôle de flux des capitaux, la résistance aux pressions d’autres acteurs ayant des intérêts politiques et économiques propres, la lutte pour une inflation modérée, le taux de change, le soutien au crédit à court terme et à long terme à cause du manque des grandes banques d’investissement en RDC, une bonne politique macro-prudentielle, un taux directeur inférieur.

La Banque centrale pourrait investir les montants émis dans des obligations gouvernementales si celles-ci donnent droit à des intérêts. Les revenus qui en résultent seront substantiels et permettront à la Banque de couvrir ses frais de fonctionnement avant de verser les soldes à l’État. Il est important de préserver l’indépendance de l’institution, lui éviter de quémander chaque année des appuis budgétaires à l’État. La BCC peut également spéculer sur le marché de change pour son propre compte mais pour y réaliser des profits.

Les autorités monétaires devraient fixer un taux modéré de croissance de la masse monétaire et s’en tenir à ce taux. Pour avoir une stabilité des prix et une inflation faible, il faut que les entreprises puissent être profondément attachées à la stabilité des prix. L’indépendance d’une banque centrale n’est pas une question de réputation mais de ses réalités. Obtempérer aux injonctions qui entravent la politique monétaire est un signe d’immaturité et non d’indépendance.

Une banque centrale indépendante est celle qui peut dire non aux hommes politiques. Elle a pour objectif de ramener l’inflation à un taux raisonnable par rapport aux prix et à la politique économique. Il faut bannir tout «activisme» de la part de la banque centrale. C’est-à-dire éviter qu’elle ne mène la politique monétaire en fonction de la variation du taux de croissance économique. Le ciblage de l’inflation ne diminue pas les coûts de la désinflation, sous forme de baisse de production et de ralentissement économique. Le contrôle de l’inflation doit en contrepartie faire aussi l’objet de la surveillance d’autres données, telles que la croissance de la masse monétaire et le taux de change. Une banque centrale moderne se fixe comme mission de trouver l’équilibre entre stabilité des prix et croissance économique.

Plus la politique monétaire est laxiste, plus les entreprises s’attendent à une poussée inflationniste. Plus les prix augmentent, moins le salaire suit. C’est pourquoi même si le gouvernement s’est fixé un taux d’inflation modéré comme objectif officiel de la politique monétaire, il échouera en raison des anticipations d’agents économiques.

La Banque centrale doit établir la crédibilité anti-inflationniste en réduisant l’inflation sans coût pour la production, alors qu’en recourant à une politique discrétionnaire, les autorités monétaires peuvent créer davantage de monnaie et, ainsi, plus d’inflation que ce à quoi s’attendent les agents économiques. Mais cet effet de surprise ne peut pas se répéter indéfiniment, car les agents économiques comprennent rapidement le jeu des autorités monétaires et, en conséquence, adaptent leur comportement.

Pour le Groupe ALSF

Aimé Lambala

Président du directoire, Spécialiste en haute finance et économie du développement, Expert en image communicative, Email : sevalambala@gmail.com – www.alsf-groupe.com

 

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