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En RDC, les médias ne sont pas gérés comme des entreprises à part entière

Une entreprise de presse est une entreprise comme toute autre entreprise génératrice des recettes qui paie régulièrement ses obligations préétablies vis-à-vis de l’État. En République Démocratique du Congo (RDC), la majorité de propriétaires des médias ignorent cette considération. Par conséquent, cette ignorance brouille l’avenir des médias. Et leur chiffre d’affaires est en baisse, selon le constat fait sur le terrain auprès de plusieurs médias contactés.  

Je suis sûr que l’ensemble de difficultés liées à la gestion des médias seraient dues peut-être au manque de formation adéquat sur la gestion d’une entreprise de presse. Et cela pourrait être aussi les raisons qui ont poussé l’Institut facultaire des Sciences de l’information et de la communication (IFASIC) d’ajouter, dans sa formation académique, la section « Gestion des entreprises » pour pallier cette crise d’esprit. Car les journalistes congolais ont le devoir d’une réflexion basée sur le passage de la gestion d’une simple rédaction à une entreprise de presse.

Avec mes plus de 22 ans passés dans les medias, je pense que si les médias en République Démocratique du Congo ont des problèmes de se maintenir et de se développer, cela est dû au non-respect des 4 lettres-clés de la gestion d’une entreprise de presse, à savoir IPAC. Ces quatre lettres viennent de verbes Informer(I), Promouvoir(P), Administrer(A) et Conserver(C). Elles sont au centre de la gouvernance, de l’efficacité des médias et, surtout, pour l’augmentation de leur chiffre d’affaires. Ces sont des verbes-clés qui sont des piliers du fonctionnement des médias.

En effet, un media ne peut fonctionner sans informer, sans promouvoir ses annonceurs, sans administrer son personnel et sans conserver sa documentation et ses archives. Il faut aussi ajouter qu’un journal papier est à la fois un produit et un service.

Traitement de l’information

En République démocratique du Congo, seule la lettre I (informer) – et, peut-être aussi P (promouvoir) –  semblent fonctionner. Tandis que les deux autres lettres notamment A (administrer) et C (conserver) ne sont pas utilisées.

En ce qui concerne la production de l’information en RDC, les médias disposent rarement ou peu de moyens pour la collecte des données. Ce manque de moyens écarte petit à petit les médias congolais de la compétition de la promptitude d’informer son public. 

C’est ainsi que la presse locale n’utilise souvent que la technique de recoupement ou le démarcage des données traités par d’autres ou fait simplement du copier-coller afin d’en créer les informations. Il est parfois difficile lors d’élaboration de la coupure de presse (panorama) ou monitoring de distinguer le traitement des informations de tel média à un autre. C’est comme si les médias à Kinshasa ont tous la même tendance et, c’est le même journaliste qui a écrit pour toutes les rédactions.

Et pourtant le traitement de l’information en journalisme est comparable à un repas préparé par un cuisinier à partir de différentes sortes d’ingrédients pour son public. L’appréciation de la qualité d’un repas dépend d’un consommateur à un autre. Il y a ceux qui considèrent que le repas était fort pimenté, et d’autres pas assez. Certains autres diront que c’est très bien. Des consommateurs qui n’aiment pas la vérité disent toujours que la sauce a été trop pimentée.

Entreprise de presse sans un service de marketing

 S’agissant de la promotion (P), en République démocratique du Congo, les médias n’ont que des services de publicité et non de marketing.  Ce service de « marketing » est parfois incapable de faire la chasse aux pubs. Cela est même prouvé dans le mémoire (B+5) de Galvanie Nsimba Pinzi de l’Université catholique du Congo (UCC) dirigé par le Professeur Linho Pungi qui constate, lors de son enquête, que la majorité de publicités diffusées dans les médias de Kinshasa ne sont pas l’effort des agents de marketing, mais plutôt des annonceurs eux-mêmes et parfois des journalistes.

 Selon Galvanie Nsimba, « pour ce qui est de la recherche de la publicité, les agents de ce service sont sédentaires, attendant la publicité au bureau. C’est la notoriété de ces médias qui fait que les annonceurs viennent jusqu’à leurs bureaux avec leurs annonces ».

Scientifiquement, l’immobilisme dans le service de marketing dans la presse serait dû au manque de méthodes et techniques de marketing appropriées, comme l’analyse Swot en marketing. Swot consiste à étudier les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces dans l’organisation. 

Il faut signaler qu’il existe une différence entre le marketing et la publicité. Le marketing, selon Sophie Anneau Guillemain, est « une démarche méthodique et permanente qui consiste à étudier le marché sur lequel se situe l’entreprise, à coordonner réflexions et actions pour créer et développer une offre adaptée aux besoins de consommateurs, et garantir ainsi la satisfaction de sa clientèle et la rentabilité de l’entreprise ».

Tandis que la publicité désigne « l’ensemble des techniques et moyens mis en œuvre pour faire connaître et faire valoir un bien, un service, une entreprise, une institution ou une personne ». La publicité est dans les 4P du marketing mixte : Produit, Prix, Place et Promotion.

Au regard du fonctionnement d’actuels services de « marketing », ceux-ci n’ont qu’une responsabilité d’annoncer et de discuter la grille tarifaire avec l’annonceur et faire le recouvrement. D’où les propriétaires de médias ont l’obligation de réorganiser le service de marketing afin d’augmenter le chiffre d’affaires de leurs entreprises.

Pour y arriver, il est nécessaire que les médias engagent un personnel qualifié en marketing avec deux approches de marketing (marketing communicationnel et économique) afin de redéfinir la politique de marketing dans une entreprise de médias.

En outre, parmi les sources financières d’une entreprise de presse, il y a aussi la vente des journaux. Actuellement à Kinshasa, les journaux ne se vendent plus, faute d’acheteurs. Même les institutions officielles ne sont plus abonnées. Elles recourent souvent aux photocopies des journaux afin d’élaborer leurs revues de presse. D’autres, par contre, ne vivent qu’avec les informations diffusées par des réseaux sociaux. Les dangers avec les réseaux sociaux est que beaucoup d’informations diffusées ne sont ni traitées ni vraies. 

Pour sortir les entreprises de presse de la République Démocratique du Congo des difficultés financières et du marasme économique liés à la mauvaise gestion des entreprises de presse et du manque d’annonceurs potentiels, d’une part, et la présence du Coronavirus considéré comme le destructeur de l’économie mondiale, d’autre part, l’implication du Chef de l’État congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, sera salvatrice s’il dotait la presse congolaise des subventions. Mais pas du modèle CASPROM. Ce geste sera pour la presse locale une récompense pour son implication et sa participation avec tous les risques dans le combat que l’UDPS a mené et aussi pour la lutte pour la démocratie et l’État de droit en République Démocratique du Congo. 

Administration dans les médias, un casse-tête chinois

L’Administration (A) est un cas très négligé dans la majorité de médias de Kinshasa. Pourtant, elle est le cerveau moteur d’un système. Elle permet à une structure de faire le contrôle et d’orienter le système. Il est parfois difficile aux médias de Kinshasa de trouver des dossiers sur les identités de leur personnel.

Selon le Rapport d’activités de l’ONG African Media Institute (AMI) 2004, le service du personnel est quasiment inexistant dans les médias congolais. Très souvent, c’est le Directeur de publication qui fait office de chef du personnel. À ce titre, il doit remplir les formalités de déclaration aux impôts et à la sécurité sociale, mais comme les organes de presse privés en RDC fonctionnent sans convention collective, cette fonction est sans importance.

Il convient d’ajouter aussi qu’une bonne et meilleure administration d’une entreprise de presse est de maitriser le trois (3) types d’écriture qui font fonctionner la rédaction d’une entreprise de presse : écriture administrative ; écriture du conseil de rédaction/ conseil ; et écriture journalistique (écriture du journaliste).

L’écriture administrative est celle utilisée dans une rédaction pour rédiger des communiqués et autres documents administratifs ; alors que l’écriture du conseil ou conférence de la rédaction est utilisée pour élaborer le conducteur ou le chemin de fer d’une rédaction. Et la dernière écriture (Ecriture journalistique ou du journaliste) est celle utilisée par des journalistes pour rédiger les articles de presse.

Archives dans les médias

En République Démocratique du Congo, les archives(C) sont mal aimées par les décideurs et monsieur-tout-le-monde. Aucun secteur de la vie nationale ne prend en compte l’organisation des archives produit. Même au plus haut sommet de l’État. Il n’y a plus de secrets d’État.

Il est parfois très difficile de trouver des anciens exemplaires de la presse écrite à Kinshasa. Cette négligence est pire dans les médias audio-visuels où ils n’ont même pas d’équipements pour conserver leurs archives audio-visuelles. Et pourtant, un média sans ses archives est  égal à un média sans backgrounds. C’est pour cette raison qu’en RDC, il n’y a que les médias d’annonce. Ils sont restés dans le fonctionnement du principe magnétophonologique. Ce principe stipule qu’un dictaphone ne produit que le son qu’il a enregistré. De même, avec le journaliste classique qui ne produit ou diffuse que le fait vécu, en se basant sur les six questions fondamentales.

Et l’angle d’une information en journalisme dépend d’un journaliste à un autre. Mais il y a certains médias qui, malgré les multiples défis, conservent tant soit peu leurs anciennes productions, à l’instar du journal Le Potentiel, Le Phare, L’Avenir.

C’est pourquoi, étant donné que les hommes de médias sont généralement des « intellectuels », il est nécessaire que les propriétaires de médias militent pour l’organisation des archives de médias. La force des médias n’est pas seulement d’informer mais surtout d’analyser, de rappeler et de veiller sur les événements.

Les archives et la documentation dans les médias jouent un rôle de sentinelle et de veille. Elles sont le métaschème d’une rédaction. Leur mission est de définir la politique de conservation et gestion des documents. Dans cette approche, il faut conserver tous les documents utilisés par la rédaction (les conducteurs ou chemin de fer, les discours, les rapports, les anciennes productions, photo…). Dans le service de marketing et commercial, il est recommandé de classer les factures avec les pages de photocopie des journaux ou les documents du texte de l’annonceur) et, dans le service d’administration, d’analyser bibliologiquement le dossier du personnel, en le classant par rapport aux indices préétablis.

Ce service fait d’office d’intermédiaire entre sa rédaction et ses chercheurs. Il a aussi l’obligation de veiller sur la collaboration de son entreprise avec la bibliothèque nationale (dépôt légal) et l’Institution des archives nationales.

Il convient de rappeler que les Médias existent depuis l’époque coloniale : presse écrite (1891), radio (vers 1940), télévision (1966). Actuellement, nous avons les médias en ligne (début des années 2000) et la Télévision numérique terrestre qui est en vogue. 

Delphin Bateko Moyikoli

 

 

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