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FOCUS

Meurtre de Luca Attanasio : une interpellation pour la communauté internationale

En attendant les enquêtes, maintenant qu’un diplomate a été tué, la communauté internationale devrait être incitée à porter un nouveau regard sur la recrudescence de l’insécurité dans l’Est de la RDC. Les Congolais, eux, restent optimistes. Il n’y a pas de fatalité. La situation de l’Est appelle à un sursaut collectif pour sortir du cycle infernal aux contours flous. Ce sursaut implique également des dénonciations des complicités internes et internationales sur des deals mystérieux dans la gestion des ressources naturelles à l’Est de la RDC. Loin de vouloir hiérarchiser les morts, le sang italien qui s’ajoute à celui des milliers de Congolais doit ainsi sonner un nouveau regard que la communauté internationale doit porter, en appuyant la RDC dans son combat pour mettre hors d’état de nuire tous les groupes armés et les milices locales qui sèment la désolation et la mort au quotidien dans les Kivu.

La mort de l’ambassadeur d’Italie en RDC, Luca Attanasio, son garde du corps et son chauffeur (abattus lundi 22 février) dans la matinée par des hommes armés alors qu’ils faisaient partie d’un convoi du PAM qui faisait route près de Goma, dans le Nord-Kivu, suscite encore des réactions.

Mais à voir de près, il s’agit là d’un drame qui ramène la communauté internationale à réaliser des évidences sur une situation sécuritaire complexe ignorée visiblement à dessein, alors qu’elle perdure depuis plus de deux décennies.

Ni les voix portées dans les différents forums, ni les dénonciations de certains acteurs nationaux, voire des médias locaux en RDC n’avaient jusque-là trouvé écho ou créer l’émoi sur des tueries à répétition dans les Kivu où des rebelles hutus rwandais des FDLR, des ADF et plusieurs autres milices congolaises imposent la terreur. Et pourtant, le meurtre de l’ambassadeur d’Italie, son chauffeur et son garde du corps illustre, malheureusement, le film vécu au quotidien par les populations innocentes dans cette partie du pays.

Faut-il peut-être considérer que la mort de l’ambassadeur italien va sans doute focaliser l’attention internationale sur un conflit largement oublié, caractérisé par des rebondissements après chaque phase d’accalmie ? Rien n’est moins sûr.

C’est ici qu’il faudra souligner la nécessité d’un plan d’urgence à court terme, impliquant activement la communauté internationale pour éradiquer les tueries dans les régions des Kivu et de l’Ituri. En même temps, les Congolais sont appelés à un sursaut collectif pour dénoncer des complicités internes et mêmes internationales autour des deals mystérieux qui entourent la gestion des ressources naturelles à l’Est de la RDC.

À ce sujet, une interrogation majeure demeure : Quels sont les acteurs dans l’ombre de ces conflits persistants qui mettent en avant-plan les groupes armés et milices ? Répondre à cette question, surtout au niveau international, permettrait sans doute de trouver les voies et moyens de mettre définitivement un terme à l’enfer à ciel ouvert imposé à la population de l’Est de la RDC.

Des directives sur le déplacement d’un ambassadeur

Par ailleurs, plusieurs questions sont soulevées sur les directives sécuritaires devant être prises en compte lors du déplacement d’un ambassadeur. Les enquêtes décidées au niveau de la présidence de la République devront ainsi apporter toute la lumière.

Entretemps, les avis des experts en diplomatie corroborent. L’on indique qu’un ambassadeur ne peut pas se rendre n’importe où sur le territoire du l’Etat hôte. Sinon, il doit au préalable informer les Affaires étrangères par une Note Verbale de sa destination, de l’itinéraire, de la durée ainsi que du motif de son déplacement. S’il n’y a pas opposition, c’est alors qu’il va effectuer son déplacement.

Dans tous les cas, pour le déplacement, l’ambassadeur doit se conformer aux directives sécuritaires du Ministère des Affaires Etrangères de son pays (Travel Advice) en matière de déplacement dans le pays hôte. Ces directives sont émises par le pays accréditant à l’intention de ses ressortissants vivant dans le pays hôte. Selon plusieurs traveladvice, une bonne partie de l’Est de la RDC a le statut « rouge » ou « voyage essentiel uniquement ».

Dans le cadre de la RDC, l’ambassadeur doit sérieusement prendre compte les directives sécuritaires de la MONUSCO et d’autres missions diplomatiques majeures (USA, France, Belgique et Royaume-Uni). Il est aussi recommandé de recourir au Kivu Security Tracker (une sorte de baromètre sécuritaire de la partie Est de la RDC) pour se décider de voyager à l’Est du pays ou pas.

S’agissant de la sécurité d’un ambassadeur, l’on indique que pays hôte est tenu d’assurer la sécurité d’un ambassadeur dans chacun de ses déplacements si seulement ce dernier en fait une demande expresse via les Affaires étrangères.

Le constat est d’ailleurs que très souvent, les ambassades organisent un service de protection rapprochée interne avec du personnel sécuritaire soit local, soit originaire du pays accréditant ou soit une faction de la police nationale. Cela peut se faire aussi par une combinaison de ces trois catégories.

Pour la RDC, la MONUSCO n’a pas techniquement le mandat de sécuriser le personnel diplomatique d’autres états membres de l’ONU. Il arrive toutefois que là où les casques bleus sont déployés et si les impératives sécuritaires l’exigent, qu’il soit conseillé de demander leur accompagnement.

Concernant le tronçon Goma-Rutshuru où le drame a eu lieu, le Kivu Security Tracker indique que cette partie du pays n’est pas du tout sécurisée pour des déplacements des personnalités importantes. Qu’un diplomate s’y déplace sans une sécurité renforcée, il y a de quoi se poser des questions sur les vrais mobiles d’une telle prise de risque. En attendant l’issue des enquêtes, le mystère reste entier autour de cette triple tuerie qui fait froid au dos.

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