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FOCUS

Gouvernance électorale : Tshisekedi face aux défis d’une Céni indépendante, neutre et impartiale

La Commission électorale nationale indépendante (Céni) attend sa nouvelle restructuration. Il en est ainsi, d’ailleurs, avant chaque cycle électoral. À la seule différence, c’est que l’ère Tshisekedi devra concrétiser les espoirs nés de l’alternance à la tête du pays pour marquer les réformes d’un sceau réel d’indépendance, de neutralité et d’impartialité avec la Centrale électorale.

Ainsi, il y a lieu dans un esprit de consensus, que les uns et les autres à l’Assemblée nationale se penchent sur des garde-fous susceptibles de minimiser l’influence politique et de garantir la crédibilité du processus électoral à venir.

Vu sous cet angle, la proposition de loi du député Christophe Lutundula est encourageante. Avec des ajustements proposés, notamment sur la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Céni, il y a lieu d’enrichir la démarche pour déboucher sur le renforcement effectif de la transparence de la gestion électorale tout comme de la redevabilité des animateurs de la future Centrale électorale.

Les députés nationaux devront s’y atteler dès cette semaine en plénière. Il ne s’agit donc pas d’un rendez-vous ordinaire, mais plutôt d’un rendez-vous politique de haute responsabilité pour éviter au pays des tensions qu’il connait à chaque cycle électoral.

Pour le cinquième président de la RDC, c’est un pari qu’il faut gagner pour que les élections à venir ne soient pas comme celles du passé, émaillées de beaucoup d’irrégularités. Félix Tshisekedi, en tant que garant constitutionnel du bon fonctionnement des institutions, devra, à cet effet, marquer de son empreinte cette première réforme essentielle, seul moyen de ramener les Congolais à refaire confiance en leur processus électoral.

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Ci-dessous la présentation synthétique de la Loi Lutundula.

(Proposition de loi organique Lutundula modifiant et complétant la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI, telle que modifiée et complétée par la loi organique n°13/012 du 19 avril 2013 du 19 avril 2013)

OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LA RÉFORME

  • Garantir l’indépendance, la neutralité et l’impartialité de la CENI ;
  • Renforcer l’indépendance des membres de la CENI et les protéger contre les pressions de ceux qui les ont désignés ;
  • Rassurer tous les compétiteurs électoraux quant à la transparence du scrutin et leur offrir des chances égales ;
  • Assurer la transparence et l’efficacité de la gestion tant des opérations électorales que des ressources de la CENI et lui trouver un financement sûr et suffisant ;
  • Soumettre la gestion de la CENI à un contrôle interne et externe effectif conformément à la Constitution (art.100) et à la loi organique sur la CENI(art. 28, 42 et 52) ;
  • Circonscrire le pouvoir réglementaire des organes de la CENI et instituer la responsabilité administrative et pénale de ses dirigeants en cas d’abus de pouvoir ou d’actes illégaux et infractionnels ;
  • Préserver les membres de la CENI contre la tentation de tomber dans le piège des actes contraires à l’éthique de leurs fonctions.

PRINCIPALES INNOVATIONS PROPOSÉES

COMPOSITION DE LA CENI

Qui est éligible à la CENI ?

  • En plus des critères prévus aux articles 12 et 16: « nul ne peut être désigné membre de la CENI s’il est ou a été cadre national ou provincial d’une organisation politique ou d’une organisation de la société civile affiliée ou alliée à une organisation politique au cours de 5 (cinq) années précédant sa désignation ».

Qui désigne les membres de la CENI ?

 15 membres désignés à parts égales par :

  • Majorité : 5
  • Opposition : 5
  • Société civile : 5 dont2 désignés parles confessions religieuses, 2 parles organisations d’observation et d’éducation électorales et 1 parles organisations féminines de défense des droits de la femme

*Les confessions religieuses et les organisations de la société concernées sont celles ayant la personnalité juridique, une existence effective sur le terrain et une expérience avérée en matière d’organisation, d’observation ou d’éducation électorales. 

*La composition de la CENI tient compte de la parité Homme-Femme et de la jeunesse.

*Aucune province ne peut compter plus d’un membre à la CENI.

Quelle est la procédure de désignation des membres de la CENI ?

  • L’assemblée plénière de l’Assemblée nationale adopte le calendrier de désignation proposé par la conférence des présidents, dans le respect de la loi organique/CENI;
  • selon ce calendrier, les composantes se réunissent pour désigner les membres de la CENI conformément à l’article 10 de la loi. Elles transmettent à l’Assemblée nationale pour entérinement les procès-verbaux de désignation et les pièces y afférentes ;
  • l’Assemblée nationale réunie en plénière crée une Commission paritaire Majorité-Opposition chargée d’examiner les dossiers individuels des personnes désignées au regard des conditions et critères légaux. La Commission les auditionne en présence des délégués des composantes qui les ont désignées ;
  • la Commission paritaire soumet pour approbation son rapport àl’assemblée plénière de l’Assemblée nationale ;
  • les désignations non entérinées sont notifiées par le Bureau de l’Assemblée nationale à la composante concernée pour désigner des nouvelles personnes. Les nouvelles désignations suivent la même procédure d’entérinement.
  • Le Bureau de l’Assemblée nationale transmet au Président de la République la liste des désignations entérinées pour investiture des personnes concernées. 

Quels sont les devoirs des membres de la CENI ?

Ajouts aux devoirs prévus aux articles 19, 20, 21 et 22 de la loi organique :

  • Déclaration obligatoire du patrimoine familial à l’entrée en fonction et à la fin de celle-ci devant la Cour constitutionnelle qui la communique, après vérification de la véracité, à l’administration fiscale et au service de sécurité pour en assurer le suivi tout au long du mandat ;
  • Toutes acquisitions mobilières et immobilières d’une valeur d’au moins l’équivalent en francs congolais de 10.000 dollars américains pendant l’exercice des fonctions, sont déclarées par le membre de la CENI concerné à la Cour constitutionnelle dans les trente (30) jours de leurs réalisations. A défaut, le Procureur Général près la Cour constitutionnelle se saisit d’office pour enrichissement illicite ;
  • Interdiction aux membres de la CENI d’acheter, d’acquérir de quelque manière que ce soit ou de prendre en bail, par eux-mêmes ou par personne interposée, un bien mobilier ou immobilier appartenant à la CENI. Dans le cas contraire la transaction est nulle de plein droit ;
  • Interdiction aux membres de la CENI de faire louer directement ou indirectement leurs biens meubles ou immeubles à la CENI
  • Interdiction aux membres de la CENI de prendre part directement ou indirectement aux marchés publics qui concerne la CENI ;
  • Interdiction aux membres de la CENI de participer aux réunions des organisations politiques et sociales, sauf dans le cadre de la vulgarisation des textes électoraux et des activités de la CENI ;
  • la transgression de l’un quelconque des devoirs ci-dessus est constitutive de faute lourde punissable de démission d’office constatée par une ordonnance du Président de la République. 

Quels sont les rapports entre des membres de la CENI et les composantes qui les ont désignés ?

  • Les membres de la CENI ne représentent pas les composantes qui les ont désignés ;
  • Il est interdit aux composantes de retirer et de changer les membres de la CENI ou de les contraindre à démissionner par des pressions de quelle que nature que ce soit ;

Quelles sont les causes de fin du mandat des membres de la CENI ?

Ajout à l’article  14 de la loi de la loi organique : « parjure et faute grave commise dans l’exercice de ses fonctions.

Que se passe-t-il à la fin du mandat des membres de la CENI ?

3 mois avant la fin du mandat, le Bureau de l’Assemblée nationale prend toutes les dispositions requises pour désigner les remplaçants des membres sortants.

En attendant l’installation de nouveaux membres, l’administration de la CENI assure la continuité du service sous la direction du Secrétaire national pendant 3 mois au maximum ».

ORGANISATION  

Organes :Assemblée plénière, Bureau et Commission Permanente d’Évaluation et de Contrôle, COPEC

Assemblée plénière : organe de conception, de décision et d’orientation

  • Accroissement du pouvoir de décision de l’Assemblée plénière afin qu’elle joue un rôle prépondérant dans la conduite du processus électoral et la gestion de la CENI ;
  • Soumission des décisions importantes du Bureau de la CENI à l’approbation de l’Assemblée plénière notamment en matière électorale, des marchés publics et de gestion du personnel, des finances et du patrimoine ; 
  • Institution d’un bureau de l’Assemblée plénière distinct de celui de la CENI et composé d’un modérateur, d’un modérateur adjoint, d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint non-membres du Bureau de la CENI ;
  • Élévation du quorum de siège et de celui de décision de l’Assemblée plénière ;

Bureau : organe de gestion courante et de coordination de la CENI

  • Désignation du Président de la CENI par consensus des composantes sur proposition de la Société civile
  • Application de la parité Homme-Femme dans la composition du Bureau
  • Répartition égalitaire des postes au Bureau entre les composantes à raison de 2 chacune comme suit :
  • Président : société civile
  • Vice-Président : Majorité
  • Rapporteur : Opposition
  • Rapporteur adjoint : Majorité
  • Questeur : Société civile
  • Questeur adjoint : Majorité

Commission Permanente d’Évaluation et de Contrôle, COPEC :

Organe de suivi, d’évaluation et de contrôle doté des larges pouvoirs notamment pour :

  • Vérifier à la conformité des actes de l’assemblée plénière, du Bureau et de ses membres ainsi que des activités de la CENI à la loi et à sa mission telle que définie par les articles 211 de la Constitution et 9 de la loi organique/CENI ;
  • Contrôler l’exécution du budget de la CENI et de son programme d’action ;
  • Suivre la mise en œuvre du plan des opérations électorales et du calendrier électoral ;
  • Contrôler la gestion des ressources et du patrimoine de la CENI ;
  • Organiser à tout moment du processus électoral des missions de contrôle à travers le territoire national des activités de la CENI et des opérations préélectorales, électorales et postélectorales ;
  • Faire des recommandations à l’assemblée plénière, au Bureau et, le cas échéant, saisir l’Assemblée nationale, le Gouvernement ou la juridiction compétente de toutes anomalies ou irrégularités constatées dans la gestion de la CENI et dans la conduite du processus électoral.

Composition :  membres de la CENI autres que ceux du Bureau.

 Elle dirigée par un Secrétaire permanent assisté d’un Secrétaire permanent, tous deux élus par leurs paires. 

FONCTIONNEMENT

Institution de la responsabilité collective et individuelle des membres du Bureau de la CENI assortie de la sanction de déchéance prononcée par le Conseil d’État en cas de violation des dispositions légales relatives aux élections et à la CENI ;

Institution de la sanction de démission d’office du Bureau de la CENI en cas de non-dépôtau Bureau de l’Assemblée nationale des rapports du cycle électoral et de gestion prévu à l’article 28 de la loi organique sur la CENI dans le délai de 30 jours de l’ouverture de la session parlementaire qui suit la fin du cycle électoral ou de celle de mars-juin pour le rapport de gestion ;

Obligation faite au Bureau de l’Assemblée nationale de soumettre à l’examen de l’assemblée plénière les rapports déposés par le Bureau de la CENI dans le délai maximum de 15 ouvrables à compter de la date de dépôt, sous peine de mise en cause de la responsabilité personnelle du Président de l’Assemblée nationale par un groupe parlementaire ou l’assemblée plénière ;

Obligation faite au Bureau de la CENI de publier les états financiers de la CENI et de faire rapport de sa gestion à l’Assemblée plénière trimestriellement.

Suppression des procédures particulières de passation des marchés par la CENI et soumission de ces marchés au régime général prévu par la loi sur les marchés publics ;

Approbation du plan de passation des marchés publics et des appels d’offres par l’Assemblée plénière de la CENI ;

Financement des activités de la CENI par des ressources spécifiques dans le cadre du Fonds Spécial Élections à créer par décret du Premier Ministre délibéré en Conseil des Ministres ;

Intégration dans la loi du cadre de concertation entre la CENI et les parties prenantes au processus électoral, comme structure permanente de consultation et d’échange ; 

Obligation faite au Bureau de la CENI de tenir les réunions du cadre de concertation au moins une fois tous les trois mois.

 Par Christophe LUTUNDULA APALA Pen’APALA

Député national

 

 

 

 

 

 

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