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RDC : 61 ans après l’indépendance, le miracle est encore possible

Le 30 juin 1960 est la date qui symbolise, pour la République Démocratique du Congo (RDC) et les Congolais, la libération de la domination coloniale. Ce jour-là, les Congolais avaient manifesté leur joie à l’indépendance, et l’espoir de bâtir un pays plus beau qu’avant était né. Mais l’espoir suscité par cette liberté a été cruellement déçu. Pour des raisons diverses. Néanmoins, le miracle est encore possible, si les Congolais posent, ici et maintenant, les bases d’un pays nouveau en rénovant le présent dévasté par les incohérences provoquées et entretenues d’abord par eux-mêmes. 

Comment ne pas penser à ce morceau joyeux au refrain entraînant,  « Indépendance Cha Cha », composé à Bruxelles (Belgique) en 1960 par Joseph Kabasele, alias le Grand Kallé et son orchestre l’African Jazz, pour célébrer l’indépendance, cette fierté retrouvée, cette dignité conquise à force de luttes ?

Mais après Soixante-et-un ans de marche vers la réalisation de ce rêve tant espéré, que de défis ! Des interrogations demeurent, notamment sur la gestion des affaires publiques, l’éducation, la sécurité des personnes et biens, la santé, qui pourtant sont des domaines prioritaires, indispensables pour tout développement. La cupidité et la corruption, la délinquance financière et la mauvaise gestion des affaires publiques, le cynisme des dirigeants, l’absence de gouvernance responsable demeurent un fléau. L’unité de la nation congolaise, consacrée par la constitution, est mise à mal par des guerres successives et des rébellions dans l’Est du pays.

On s’était fait à l’idée, dès l’indépendance, que la RDC ne serait jamais parfaite, car elle est composée et dirigée par des humains ; des humains qui sont capables du meilleur autant que du pire. Mais on savait que les erreurs et les abus du passé rappelleraient toujours aux Congolais le besoin de s’améliorer sans cesse, d’apporter les ajustements nécessaires, le cas échéant, et, finalement de toujours préserver la patrie aux fins de la remettre intégralement aux mains des générations naissantes et futures. C’est d’ailleurs un gage de survie, de continuité et d’épanouissement pour toute société organisée.

On s’était également fait à l’idée que la vie nationale collective ne serait pas facile ; tant de choix à faire, de défis à relever, de responsabilités à assumer. Mais on espérait voir germer dans le cœur de chaque Congolais un incoercible sentiment de profond amour pour le pays, une exigence, voire une obligation de le chérir et de le protéger.

L’amour des Congolais pour leur pays est connu de tous. C’est tout à fait vrai. Les musiciens l’ont chanté et immortalisé. C’est encore juste. Toutefois cet amour qu’ont les Congolais pour cette terre qui les a vus naître, est-il un amour vrai caractérisé par un patriotisme authentique ? Un patriotisme authentique qui exprime un civisme et une participation citoyenne, et surtout qui fait appel à la capacité des Congolais de servir le pays sans rien attendre en retour sinon que la fierté citoyenne d’avoir contribué au bonheur de la nation, car il n y a pas de plus grande expression de patriotisme que de se mettre au service de son pays et que chaque personne qui détienne une responsabilité dans la société se souvienne qu’elle est, avant tout, au service des autres.

L’inconscience de tous a entraîné la RDC dans le gouffre. Le manque d’éthique des dirigeants a fini par faire plonger le pays dans une gouvernance malsaine. Les Congolais assistent médusés et impuissants, depuis environ cinq décennies, à une dégradation accélérée de leurs modes de vie et à un effritement prononcé de cette liberté arrachée par les vaillants combattants dans la lutte pour l’indépendance. De là-haut, Kasa-Vubu, Lumumba…doivent crier haro ! 

Si les Congolais veulent réellement donner au pays un regain d’énergies citoyennes, ranimer la fierté patriotique commune, retrouver cette liberté reçue en héritage et transformer cette ère difficile en une ère agréable, ils doivent savoir qu’ il  y a des pratiques à abandonner, à éradiquer : les ambigüités dans les choix politiques, la course effrénée vers l’argent et le pouvoir, l’iniquité du système judiciaire, l’extrême concentration de la richesse dans des mains pas trop nationalistes, la centralisation à outrance de l’administration. Il y a aussi des choses à cultiver et à faire grandir irrémédiablement : la souveraineté nationale, l’unité nationale, le dialogue national ainsi que l’émergence d’une économie au service du peuple et de la nation.

Transformer le pays et achever l’indépendance

Les Congolais ont le devoir de transformer le pays, l’obligation d’achever l’indépendance. Et pour que cela soit possible, il faut se tenir les uns à côté des autres formant une véritable nation unanime, tricotée à mailles serrées. Ils doivent panser leurs « blessures sociopolitiques » et retisser leurs fragiles liens sociaux, se libérer de leurs peurs et vaincre chacune des résistances des uns et des autres afin de rétablir le juste équilibre et une connexion féconde entre les diverses couches sociales, politiques et économiques de la nation congolaise, avoir un comportement patriotique, un respect toujours plus grand de l’autre. Ils doivent se donner les moyens de leurs ambitions, et ces moyens sont entre autres : un nouveau rapport d’équilibre entre les hommes et les femmes, des leaders forts et engagés au côté du peuple, une démocratie citoyenne vigoureuse et authentique. C’est alors et alors seulement que le rêve d’un Congo plus beau qu’avant, c’est-à-dire plus humain et plus juste, totalement libéré de l’exploitation économique, de la dictature politique, de l’exclusion sociale, des querelles intestines, trouvera écho en leurs âmes et consciences et conséquemment, non seulement , ils  raviront à la communauté internationale tout espoir de les réoccuper, mais, encore et surtout, ils confirmeront au monde entier  que l’indépendance de la RDC n’a pas été un accident de l’histoire.

Le miracle est encore possible si, animés d’un patriotisme sincère, mais austère, d’un dévouement civique et sans limites, les Congolais acceptent d’y consentir les sacrifices politiques adéquats, acceptent d’y déployer les efforts sociaux requis, acceptent d’y dépenser les énergies citoyennes nécessaires au lieu de s’accrocher aux convictions obscurantistes, jusqu’au-boutistes et rétrogrades ou mieux à la peur d’être dépassé par un futur incertain.

Que le soixante et unième anniversaire de l’indépendance de la RDC réveille la conscience citoyenne des Congolais pour trouver réponse à la question suivante : que veut faire les Congolais de leur beau et grand pays ? C’est de leur conscience citoyenne que jaillira en effet la réponse. Il n’y a ni de bonnes, ni de mauvaises réponses, mais seulement des gestes patriotiques dynamiques et des actions citoyennes hardies et ambitieuses à la hauteur des talents et des compétences des Congolais.

Robert Kongo, correspondant en France

 

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