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INTERVIEW

Désignation du président de la CENI, loi sur la Congolité, profanation des lieux de cultes… : Lumeya décrypte l’actualité

La chronique politique est riche. Le député national Lumeya Dhu Maleghi en décrypte le contenu au cours de cet entretien à bâtons rompus avec notre Rédaction. Il a, de ce fait, abordé la question relative au manque de consensus pour la désignation du président de la CENI et d’un membre de la plénière par la sous composante confessions religieuses ; la loi Tshiani ; la grève à TRANSCO ; la loi sur la fixation du taux de la dot ; les 500 jeeps offertes aux députés nationaux ; les enquêtes de l’IGF ainsi que la profanation de certains lieux de culte, notamment les paroisses de l’Eglise catholique, les attaques et injures à l’endroit du Cardinal Fridolin Ambongo. Détendu, il s’est prêté à nos questions.

Ci-dessous le contenu de l’entretien.

Honorable, si vous pouvez vous présenter à nos lecteurs.

Mon nom, c’est Lumeya Dhu Maleghi. Je suis premier vice-président de la DDC. Député élu dans la circonscription de Kikwit, de regroupement politique FCC et ministre honoraire des Affaires foncières.

Quelle lecture faites-vous de l’évolution de la vie nationale, de façon sommaire ?

Il n’y a pas de calme. La situation n’est pas explosive non plus, mais les nerfs sont tendus. Les acteurs politiques sont sur le qui-vive, comme si l’on était déjà en pleine élections.

La désignation du président de la CENI et un membre de la plénière tarde à faire unanimité parmi les chefs de confessions religieuses, comment entrevoyez-vous la question ?

Depuis que nous avons commencé avec la CENI en 2006, avec son ancêtre la Commission électorale indépendante (CEI), il y a toujours eu des tensions. Les pères religieux sont toujours divisés et les politiques s’imposent. Cette divergence est due au fait que la base elle-même est fausse. C’est la loi. On ne peut pas chercher un homme neutre pendant que la loi elle-même ne donne pas les voies d’un homme neutre. Ce sont les acteurs qui cherchent l’homme neutre. Il faut revoir la loi.

Comment il faudrait faire pour sortir de l’impasse ?

Le choix des acteurs de la CENI devrait se faire dans le milieu des experts à travers une maison d’expertise, au moyen d’appels d’offres, comme on le fait avec le FMI, le Fonds Mondial, Banque Mondiale, l’Union Africaine, la BAD, etc. Ainsi, cette personne qui y accéderait par expertise ne sera pas redevable aux politiques, même s’il ou elle ne sera pas parfaite. Mais aussi longtemps que ce choix des animateurs le sera par les politiques, il ne faut rien attendre. Il y aura toujours des divergences, la politique étant un jeu d’intérêt. Le slogan le plus connu étant qu’on n’organise pas les élections pour les perdre.

Et maintenant que le consensus tarde à être trouvé par les confessions religieuses, on va droit vers un mur ?

Non. L’Assemblée nationale va retourner le dossier aux confessions religieuses pour doter la CENI d’un président. Les pères religieux sont suffisamment matures pour trouver un candidat consensuel. Ils se retrouveront et il n’y aura pas un vide.

Honorable, la loi TSHIANI défraie également la chronique et donne à dormir debout, comment la jugez-vous ?

Moi, je ne suis pas émis par cette proposition de loi d’abord qui est produite par un non-parlementaire parce que ça ne passera pas pour deux raisons majeures. Primo, elle est produite par un non-parlementaire. Même s’il y a un collègue député qui a endossé cette proposition de loi, une procédure étrangère à la législation et les RI de notre Assemblée nationale. C’est une première dans l’histoire parlementaire congolais. Nous allons la rejeter. Secundo, cette proposition de loi faite par un non-parlementaire énerve les dispositions des articles 10 et 13 de la Constitution. Au moins de réviser la Constitution dont l’environnement actuel ne permet pas, comme dit en amont. C’est une loi comparable à une fleur qui ne résiste pas aux rayons solaires que l’on veut planter dans un pays à climat tempéré.

Aujourd’hui, les Kinois peinent se déplacer suite à la grève des agents de TRANSCO, seule compagnie de transport urbain à Kinshasa, comment se justifie cette faillite de toutes les sociétés de transport qui s’implantent chez nous ?

Ce qui allait nous étonner, c’est de voir TRANSCO réussir. Mais l’échec était prévisible. A Kinshasa, quel est le transport en commun de l’Etat qui a déjà réussi ? Souvent, 5 ans c’est trop et ça tombe toujours en faillite. Il n’y a pas que le problème de mauvaise gestion. Il y a aussi l’Etat qui ne s’acquitte pas de sa quote-part. Le coût du billet étant inférieur, l’Etat devait subventionner parce que les pneus, le gasoil et autres s’achètent au prix du marché. Le contrôle ne se faisant pas, les cadres de direction sont couverts par leurs parapluies politiques et les conséquences sont les mêmes. TRANSCO suit la voie de ses ancêtres, TRANZAM, STUC, etc.

Quelles solutions préconisées ?

On doit recourir à un partenariat public-privé. Confier la gestion de cette entreprise de transport à des privés pour la rentabiliser. Comme ça, il assurerait le contrôle et le suivi. Mais quand il reste lui-même le seul actionnaire et ne s’acquitte pas de ses obligations en dépit des charges, rien ne changera.

Il y a une loi en gestation en rapport avec la fixation du taux de la dot par catégorie de femmes sur vos tables, vous la voyez venir ?

Nous devons être sérieux en tant que parlementaires, si l’on veut proposer une loi.  Le code de la famille a fait l’objet d’études pendant 10 ans. C’est le gouvernement Mobutu, après avoir examiné et interrogé toutes les couches sociales, les cultures, les us et coutumes en vue d’avoir une loi impersonnelle et humaine, qui avait envoyé le projet à l’Assemblée nationale pour examen et promulgation. Aujourd’hui, la plénière n’a pas encore été saisie par cette proposition de loi. La dot est une matière civile. Il est rare qu’on fixe x montant dans une loi en matière civile, au moins en matière pénale. C’est dans les mesures exécutoires que ressort ce qu’il faut payer en matière civile. Je ne crois pas que cette loi que le jeune collègue parlementaire très intelligent ait pris le risque de fixer le minimum et le maximum de la dot puisse passer. Je crois que les gens l’ont mal compris, parce que c’est une matière civile-privée où le législateur laisse la volonté des parties se manifester. En plus, la femme n’étant pas une marchandise, il est malencontreux qu’on puisse déterminer dans un article de loi, ce qu’elle vaut.

Honorable, il y a 500 jeeps, don aux députés pendant qu’il faille réduire le train de vie de certaines institutions pour améliorer le vécu du petit peuple, qu’en dites-vous ?

Ça fait trois mandats que je suis à l’Assemblée nationale, l’histoire des jeeps qu’on met à la disposition des députés ne datent pas d’aujourd’hui et ne commence pas avec le président TSHISEKEDI. A l’époque de Mobutu, les députés recevaient des véhicules. Sous le président Kabila, avec Olivier Kamitatu il y a eu des jeeps, avec Kamerhe, il y a eu des jeeps. Le président TSHISEKEDI n’a pas inventé la roue.

Les gagne-gros ont droit à des gratifications alors que le peuple manque de médicaments dans les hôpitaux, de l’eau, les écoles manquent de matériels didactiques … ?

Les députés ont un mandat de 5 ans. S’il n’est pas renouvelé, il tombe dans les oubliettes. Le véhicule mis à sa disposition l’aidera à ne pas mener une vie clochard. On ne fait pas de carrière à l’Assemblée nationale.

Autre chose à présent, les enquêtes de l’IGF qui font trembler les mandataires, qu’en pensez-vous ?

Personnellement, je suis député FCC, mais je dis chapeau bas au président Tshisekedi pour avoir redoré l‘image de l’IGF, qui pourtant existait depuis l’époque de Mobutu. L’IGF, c’est la peur du gendarme. Avec l’IGF, les caisses de l’Etat n’auront plus la peau du chagrin. Elles n’auront plus la forme squelettique. Il faut qu’on renforce l’autorité de l’IGF. Elle ne concerne pas directement le petit peuple, mais son action aura pour conséquences d’améliorer le vécu du petit peuple, parce qu’on ne va plus jouer avec l’argent de l’Etat.

Et les suspensions, les révocations, voire les arrestations qui s’en suivent ?

Il faut qu’il ait des sanctions non seulement négatives, mais aussi positives. Je propose qu’à la fin de chaque année, l’IGF publie la liste de meilleurs gestionnaires d’entreprises, qu’ils soient congratulés et que les mauvais soient jetés dans la fosse aux lions.

Certaines paroisses de l’Eglise catholique sont vandalisées, les ornements et objet liturgiques emportés, Le cardinal Fridolin Ambongo insulté, votre réaction ?

Ce que nous vivons là commence par l’Assemblée nationale. Nous avons noté avec beaucoup d’étonnement comment la majorité a basculé. L’image que nous avons projetée a laissé un profond trou noir sur le plan éthique. Aujourd’hui, on touche aux icônes et on reste pantois. Je condamne avec la dernière énergie les insultes, la haine dont le Cardinal Ambongo est victime et lui exprime ma compassion. Je demande au procureur d’ouvrir une enquête et que les auteurs connus dont les images circulent sur les réseaux sociaux soient punis. Les Eglises catholiques et protestantes sont les poids lourds de la Société civile dans notre pays. Leurs dirigeants méritent respect et considération. Nous n’accepterons pas qu’ils soient dans la boue et que leur honneur soit jeté aux chiens. Nous voulons que le gouvernement au prochain Conseil des ministres condamne ces actes odieux et ordonne au procureur d’ouvrir les enquêtes. 

Votre mot de la fin ?

L’inquiétude. L’un des acquis que Mobutu nous a laissés est l’unité nationale. Cette valeur est en danger. Les discours extrémistes commencent à germer à travers le pays. Nous devons tout faire pour que les extrémistes de tous bords ne prennent pas le dessus.

Propos recueillis par Albert MAFOLO

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