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CENI : et si la solution venait d’ailleurs ?

Ailleurs, c’est en dehors des confessions religieuses. Pendant  près de deux ans, en effet, celles-ci ont pataugé à chercher une solution qui ne pouvait pas provenir de leur refus d’altruisme.  A moins d’un miracle, un consensus  semble inenvisageable à brève échéance, malgré les ultimatums. Arrêtons donc l’hypocrisie et pour l’amour soi-disant de notre Peuple, essayons de dire la vérité : le blocage persiste, non du fait des arguments divergents, mais des noms des personnes et des causes qu’on est venu apparemment défendre.

Tant que les élections de 2023 ont pour objectif, pour les uns, la légitimation et la conservation du pouvoir de l’actuel président de l’a République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, et pour les autres, le changement coûte que coûte, la ratio politique, surplombant  les confessions religieuses, refuse de baisser pavillon. Qui ne sait pas, en effet, que lors des élections, les évêques et les pasteurs voteront pour les candidats censés protéger mieux leurs intérêts ? Le blocage semble donc total et le décor pour le glissement, solidement planté. Le moment est venu pour envisager une autre sortie de crise. Quelles hypothèses en face ?

Commençons par postuler, du côté des thuriféraires du président de la République actuel, qu’ils commettent la grave erreur de conditionner la victoire de F. Tshisekedi aux élections de 2023 par la présence d’un luba à la tête de la Céni, en l’occurrence, un Denis Kadima. Rien n’est plus faux. Les adversaires (nombreux) de J. Kabila se sont réfugiés auprès du fils d’Etienne Tshisekedi et ils sont prêts à consolider son pouvoir. Telle est la vérité des instituts de recherche politique. Vouloir donc arracher Fatshi à l’opinion nationale pour en faire le leader d’une minorité ethnique, est une grosse erreur tactique. Car le nom de Denis Kadima sonne comme une tribalisation à outrance après le passage en force de la nomination du président de la Cour Constitutionnelle. Si cette stratégie ne reflétait  pas l’opinion des milieux officiels, il y a bien longtemps que cette trop gênante candidature de D. Kadima serait retirée, au grand dam de la confession kimbanguiste qui s’en prévaut. Voici, non une prophétie, mais une simple vision éclairée : D. Kadima ou  pas, Félix-Antoine Tshisekedi  sera élu avec une confortable majorité à condition qu’il ratisse large, en cherchant à convaincre comme il l’avait promis lors de son investiture, qu’il serait réellement « le père de toute la Nation ».

Sans  être nécessairement opposées à la victoire de Fatshi en 2023, la CENCO et l’ECC, sûres de leur potentielle supériorité électorale (81,% chiffre Unesco), s’opposerait à un nouveau passage en force, prélude d’un saccage de la paix difficile à acquérir (regardez à l’Est). Elles soutiendraient et préféreraient que le prochain président de la République provienne d’une élection apaisée, libre et absente d’antivaleurs dont le triomphalisme béat d’un camp qui pourrait attiser la haine et colère.

Il ne s’agit donc pas d’un combat de deux coqs perdants contre six numériquement gagnants, mais, en profondeur, d’une véritable confrontation de deux visions socio-politiques diamétralement opposées et bipolarisant l’ensemble de la collectivité nationale. Il y a lieu, dès lors, de comprendre les hésitations du Président de l’Assemblée Nationale à porter, devant l’histoire, le chapeau de la pusillanimité.

Une autre situation erronée est celle qui présente la société congolaise en deux camps : à gauche, les saints, regroupés au sein de la Société civile, et à droite, les diables, les hommes politiques. Schéma aléatoire et fantaisiste. Il y a des saints et des diables dans les deux camps, et on a vu d’anciens comme de nouveaux membres de la Société civile adorer (littéralement) tel ou tel leader politique. En Afrique, on fait du mimétisme en copiant naïvement certaines démocraties anciennes où les sociétés civiles sont des organisations idéologiquement et matériellement indépendantes. Chez nous cette société civile-là n’existe que dans certaines branches à certaines circonstances. L’idée du Législateur de confier à ce corps de la société l’organisation des élections est certes louable : c’est présumer de l’exemplarité et de la haute tenue morale des membres des confessions religieuses, groupement de la société civile choisi pour conduire le processus électoral. L’expérience vient de prouver ses limites : ce sont de pauvres hommes comme nous tous, pleines de qualités certes mais pouffant de défauts comme nous. Là aussi, il y a des morts suspectes, des jalousies mal placées, le mercantilisme, la boulimie du pouvoir, l’envie des possessions…

L’oiseau rare

Autant dire que l’oiseau rare recherché par tous ne loge pas nécessairement dans  les couvents et n’égrène pas inlassablement le chapelet. Le bon successeur de Corneille Nangaa est parmi nous, mange et vit avec nous : homme d’église, homme politique (oui : homme politique), homme ou femme, jeune ou vieux. Le mythe de la bonne semence produite rien que du côté de la société civile doit être aboli. Le bon engrais, on le trouve parfois-souvent-enseveli sous les immondices. La vertu n’a pas d’adresse sûre ni permanente.

D’autre part la loi ne fait pas obligation aux confessions religieuses de choisir un président dans leur clergé, mais une personnalité jouissant d’une bonne capacité d’intellection des données nationales, internationales, politiques, sociales, culturelles, électorales. Il ne s’agit pas d’un ange ou d’un extra-terrestre ; on attend de lui d’être brillant et qu’il travaille avec brio ; il doit être revêtu d’une haute idée des valeurs morales, posséder une bonne expertise dans la gestion publique. Il ne travaillera pas seul, mais entouré d’hommes et des femmes concourant tous à l’idéal historique de conduire le pays vers des élections apaisées, libres et indépendantes.

Quelle solution ?

Celle d’Alexandre le Grand. En 334 av. J.-C., Alexandre, roi de Macédoine, empêché par un oracle de conquérir l’Asie mineure, résolut de trancher d’un coup d’épée le nœud inextricable de la ville de Gordion, et soumit l’empire perse. Dès lors, l’expression «nœud gordien d’Alexandre » signifie couper court aux tergiversations ; aller droit au but.. Appliqué à la situation actuelle de la Céni, le concept ne veut pas dire enfreindre la loi électorale par un nouveau passage en force. Il s’agit de RESOUDRE un problème compliqué par une grande habileté tactique.  cela reviendrait à : 1) faire table rase, en mettant une croix sur les tergiversations des confessions religieuses ; 2) reprendre le dossier ab bovo, par le bureau de l’Assemblée nationale (législateur), en déclarant l’ouverture d’une dizaine de candidatures quelque soit leur provenance (société civile, parti politique, indépendant) – à l’exception des candidats actuels et ceux PRESENTÉS par des partis politiques ou des confessions religieuses; 3) respecter la loi, en soumettant ces candidatures nouvelles à la délibération, devant deux observateurs, des confessions religieuses ; 4) proclamer élu le candidat ayant obtenu la majorité qualifiée (la majorité simple risquant d’induire un nouveau blocage) ; 5) en cas de bouderie de cette piste de sortie de crise par les confessions religieuses, requérir l’implication personnelle du président de la République, Garant de la Nation, pour dénouer par un coup d’épée (une ordonnance) la crise persistante.

Prof. Pius KAMA LONDO

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