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INTERNATIONAL

Présidentielle française 2022 : l’ancien monde enterré à jamais

Emmanuel Macron a donc réussi son pari : installer les extrêmes comme seule alternative à La République en marche (LREM). Au terme du premier tour de l’élection présidentielle qui a vu, dimanche dernier, le chef de l’État s’imposer en tête avec 27,60%  des suffrages devant Marine Le Pen avec 23,41%, suivie de Jean-Luc Mélenchon  qui recueille 21, 95%, le paysage politique se retrouve  fracturé en trois camps : La République en marche (LREM), le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI).

Exit le vieil adage selon lequel « au premier tour, on choisit et au second tour, on élimine », tout se passe comme si le vote utile avait joué à plein en faveur de ces trois formations politiques. Au détriment des partis longtemps dits de gouvernement, le fameux « ancien monde », le Parti socialiste (PS), les Verts et Les Républicains (LR), aux scores historiquement  faibles (à  moins de 7%). C’est la bérézina. L’émergence d’Emmanuel Macron et de son parti LREM a très largement contribué à pulvériser ce qu’il restait de ces partis qui ont longtemps dominé le paysage politique français.

Le vote utile

Marine Le Pen aura donc réussi son premier pari, celui d’une dédiabolisation  aussi rassurante qu’une reconversion d’Hannibal Lecter dans la restauration. Faisant mieux encore que son score déjà effrayant de 2017, où elle avait obtenu 21,3% des suffrages. Elle aura paradoxalement été aidée par son meilleur ennemi, un Eric Zemmour, finalement trop repoussant, dont la dégringolade dans les sondages a poussé ses électeurs au fameux « vote utile » pour la candidate qui pouvait accéder au second tour.

Au-dessus d’elle, mais loin de survoler le danger, Emmanuel Macron aura, lui aussi,  réussi son premier pari, celui de vider la droite républicaine et la gauche de tous leurs arguments et d’engranger le vote utile des électeurs effrayés par un possible duel entre l’extrême droite et l’extrême gauche.

À droite, ce premier tour préfigurait l’avenir d’une famille politique à l’électorat éclaté. Il tient toutes ses promesses. Eric Zemmour (La Reconquête !) avec 7,05% arrive devant Valérie Pécresse (LR). Si l’ex-journaliste, qui jurait ces derniers temps  qu’un « vote caché » jouerait en sa faveur dans la ligne droite, voit son rêve élyséen s’écraser, il prend toutefois une sérieuse option dans la future recomposition de la droite.

Pour Valérie Pécresse, l’échec était prévisible, mais dans ces proportions, c’est spectaculaire pour la droite dite de gouvernement : la présidente de la région Ile-de-France arrive avec 4,79%, soit quatre fois moins que François Fillon en 2017. Son score est porteur d’une menace presque vitale pour LR : le parti ne devrait pas être remboursé de ses frais de campagne (7 millions d’euros). La candidate a  lancé, hier, un appel national aux dons sur son site Internet pour « boucler le financement de sa campagne » et sauver sa famille politique.   

Avec 2,07%, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) divise son score de 2017 par deux et se classe loin derrière Jean Lassalle (Résistons !) qui recueille 3,16%, soit trois fois plus qu’il y’a cinq ans.

À gauche également, c’est la chronique d’une mort annoncée. Arrivé avec 4,58% des voix, en 6ème position, le candidat écologiste, Yannick Jadot, ne sera pas parvenu à capitaliser sur l’urgence climatique. Si la maison brûle, une partie de l’électorat continue de regarder ailleurs, pourraient dire les écologistes en reprenant la formule de Jacques Chirac. Certes, le score du candidat écologiste permettra aux Verts de peser dans la future recomposition de la gauche, en lambeaux, mais dans cette campagne, le député européen n’aura pas vraiment réussi à imposer ses thèmes dans une France rythmée par des marches hebdomadaires pour le climat. 

Derrière lui, le candidat communiste, Fabien Roussel, obtient 2,31% des suffrages. Et la candidate socialiste, Anne Hidalgo, recueille 1,74%. Pour le parti socialiste, la déroute est aussi historique qu’attendue, très loin du pire score de l’histoire du parti, quand Gaston Defferre n’avait obtenu que 5,01% des suffrages en 1969. La maire de Paris glisse également sous le score de Benoît Hamon en 2017 (6,36%). Au fond de la classe, Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) et Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) sont respectivement à 0,77% et 0,57%.

Rien n’est joué, rien n’est gagné

Pour avoir face à lui la candidate qu’il déjà battue à plate couture, le camp Macron pense avoir déjà gagné. Erreur ! Le nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen ne ressemblera pas à celui de 2017. Si la victoire de leur champion est probable, la victoire de Marine Le Pen n’est pas impossible. Le second tour  s’annonce bien plus périlleux que le précédent. Rien n’est joué, rien n’est gagné.  Force est de reconnaitre que Marine Le Pen a maintenant des réserves de voix prouvées qui peuvent l’amener à gagner cette élection.

La victoire, il va falloir aller la chercher. C’est une nouvelle campagne qui démarre. L’enjeu de l’entre-deux-tours sera de convaincre les Français qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron ou Marine Le Pen au 1er tour et qui parfois ne partagent pas du tout leur projet respectif.   

Les deux finalistes ont désormais 12 jours pour convaincre. Selon un sondage Odoxa-Mascaret-l’Obs dévoilé, lundi 11 avril, le président sortant est pour l’instant en tête des intentions de vote avec 54,5% des suffrages, contre 45,5% à Marine Le Pen. Et d’après un autre sondage de l’institut Elabe, réalisé pour l’Express et BFMTV, en partenariat avec SFR, le président sortant, Emmanuel Macron, obtiendrait 52% des intentions de vote au second tour, s’il avait lieu dimanche prochain. Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement National (RN), serait, elle, créditée de 48% des votes.

Mais cette avance reste toujours fragile, car il reste des abstentionnistes et des  électeurs susceptibles de changer d’avis, hésitant toujours entre les deux prétendants.  Le débat d’entre-deux tours promet d’être décisif.      Le 24 avril prochain, le monde assistera à la même finale qu’il y ‘a cinq ans, au terme d’une campagne à la fois morne et atypique. Où la Covid-19 aura d’abord laissé planer l’ombre d’une présidentielle perturbée. Où les chars et les tombes auront ébranlé les certitudes et révélé les positions de chacun. Où, enfin, chaque candidat aura peiné à imposer son agenda, tentant ici ou là, de parler de l’agriculture, de dette publique ou de pouvoir d’achat.  

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