LePotentiel
Image default
FOCUS

Révision de la loi électorale : des innovations qui font jaser

La proposition de loi portant révision de la loi électorale sera examinée, ce jeudi 14 avril, à l’Assemblée nationale. Dans le calendrier, elle est inscrite parmi les matières prioritaires à examiner au cours de cette session ordinaire de mars 2022.

« La session sera focalisée essentiellement sur la loi électorale. C’est une loi importante. Elle fait même partie de ce que l’on appelle bloc de constitutionnalité. Outre cette loi, cette session de mars va embrasser plusieurs questions essentielles de la vie de la Nation. Il s’agit de la question de la sécurité à l’Est de la RDC. Il y a aussi la question de la pauvreté généralisée de notre population », a indiqué le député national, Jacques N’Djoli, dans une interview à radiookapi.net.

Ce sera pour la quatrième fois que la loi électorale de 2006 connait une modification, après celle de 2011, de 2015 et de 2018. Selon Jacques N’Djoli, ce qui motive cette modification, ce sont les leçons tirées d’anciennes élections. Mais, au regard des débâcles qu’on a enregistrées, élection après élection, a-t-on vraiment tiré les leçons des scrutins antérieurs ?

Quelles sont les nouveautés inscrites dans cette loi qui sera examinée à la Chambre basse du Parlement ?

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2005 telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et électorales, le constituant écrit que « l’ambition de la présente proposition consiste plus spécifiquement à répondre aux problèmes pratiques constatés lors des scrutins de 2018. Elle vise à construire un système électoral réellement démocratique, stable reposant sur des règles essentielles susceptibles de rassurer tous les acteurs, rationnaliser la décentralisation, en la rendant plus efficace, réaliste et compatible avec les moyens de l’Etat, empêcher la corruption électorale et assurer plus de représentativité et une plus grande légitimité des élus en vue d’une meilleure adhésion populaire à l’action des institutions ».

 De ce fait, elle répond au souci d’efficacité dans l’amélioration de la loi électorale et rencontre des préoccupations soulevées par les uns et les autres sur la faiblesse de l’organisation du scrutin.

Des innovations pour avancer

Parmi les innovations introduites par cette proposition de loi, il y en a qui touchent plus généralement à la transparence des opérations de vote, au mode de scrutin et à la certification des résultats qui participent à l’amélioration du système électoral. Au nombre desquelles, on retient : la suppression du seuil électoral et son remplacement par une condition de recevabilité des listes au prorata des (60%) de siège en compétition ; l’abandon  de la proportionnelle et adoption du scrutin majoritaire simple.

Il y a également l’organisation de l’élection des gouverneurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les députés provinciaux indiquant au moment du dépôt de leur liste le ticket du candidat gouverneur et vice-gouverneur pour lequel leurs voix sont décomptées en cas de leur élection ;

L’organisation de l’élection des sénateurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les partis, regroupements et indépendants présents à l’assemblée provinciale représentant au moins 10% des députés provinciaux ;

L’interdiction d’avoir dans une province plus d’un sénateur issu d’un même territoire, d’une même ville et de plus de deux dans un groupe des communes pour la ville de Kinshasa ;

L’interdiction de cumul des candidatures à deux scrutins du même degré ; l’interdiction de porter comme suppléants, sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou collatéral, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus ; l’interdiction de distribuer de l’argent, des biens ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage ainsi que la sollicitation  ou l’acceptation d’un don quelconque pendant la campagne électorale.  

D’autres innovations sont, notamment, la prise en compte de la dimension genre dans la constitution des listes, conformément à l’article 14 de la Constitution ; la distinction des inéligibilités définitives pour les crimes graves (génocide, crimes contre l’humanité, crime de guerre) des celles temporaires pour les autres infractions ; la définition d’un régime légal exhaustif pour le vote électronique ;

Par rapport à la Ceni, il est prévu l’obligation de publier la cartographie électorale avant la publication du calendrier électoral ; l’obligation de publier les  résultats bureau par bureau au niveau du centre de vote et de le consolider dans un résultat provisoire au centre local de compilation des résultats, au fur et à mesure de la réception des données, avant traitement ; l’institution d’un système transparent de gestion des résultats par leur traçabilité, segmentation et numération dans le cadre du centre national de centralisation et de publication des résultats, CNPR qui publie progressivement au fil de leur transmission ; l’obligation de remettre les PV des opérations de vote à tous les témoins et observateurs ; l’institution de la sanction contre le président de la CENI et ceux qui interviennent dans la transmission et la centralisation des résultats en cas de refus de la publication des résultats bureau par bureau ; l’obligation de recomptage des voix dans tout contentieux électoral, partant du pli des résultats réservées à la cour, sans exiger aux parties d’exhiber des PV ; l’obligation d’afficher tous les résultats bureau par bureau sur le site de la CENI, dans les jours qui suivent la tenue des élections, sous peine d’annulation du scrutin.

Selon les Organisations de la Société civile bénéficiaires du Projet de renforcement des initiatives de suivi des mécanismes électoraux (PRISME), quelques points devront impérativement être traités en plénière, à savoir la représentation équitable de la femme, la prise en compte de personnes vivants avec handicap et les peuples autochtones, la possibilité de publier les résultats dans chaque circonscription électorale après le vote, et l’obligation de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote et de les mettre sur le site internet de la CENI et l’obligation de fournir les procès-verbaux aux témoins des partis ou regroupements politiques.  Ceci éviterait de retomber dans les erreurs du passé et réduira surtout les contestations postélectorales.

Pour tout dire, les élus du peuple qui démarrent, ce jeudi, l’examen puis le vote de la proposition de loi portant révision de la loi électorale devraient se mettre à cœur qu’ils détiennent le destin de futures élections entre leurs mains. La survie du processus électoral dépendra de la mauvaise ou bonne loi électorale qu’ils offriront à la Commission électorale nationale indépendante qui n’est qu’un organe technique.

Laisser un Commentaire