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INTERNATIONAL

France : Élisabeth Borne nommée Première ministre

Eh oui, c’est bien une femme. On savait Emmanuel Macron désireux, depuis 2017, d’en nommer une à Matignon. C’est sur Élisabeth Borne que son choix, après que quelques autres pistes aient été étudiées, s’est fixé.

Les plus habiles des observateurs auraient pu remarquer, le 28 avril dernier, que la ministre du Travail était arrivée en retard au conseil des ministres, ce qui ne se fait pas. En réalité, elle venait d’être reçue en tête à tête par le chef de l’État, dans son bureau, quelques minutes auparavant. Entrer ensemble dans la salle du conseil eût été trop voyant. Président et ministre étaient donc entrés séparément.
Élisabeth Borne est donc, 31 ans après Édith Cresson, la deuxième femme à occuper la fonction de Première ministre. Quoi de plus normal ? Après tout, les femmes ont aussi des compétences.

Diplômée de Polytechnique, haute fonctionnaire, dirigeante de grandes entreprises, habituée des cabinets ministériels, préfète de région et enfin ministre pendant cinq ans. Nommée, lundi, à Matignon en remplacement de Jean Castex, Élisabeth Borne affiche un parcours linéaire, celui d’une « techno » passée en politique sans accrocs majeurs.

Manquante à son CV, la case élection sera cochée lors des législatives des 12 et 19 juin prochains : elle sera candidate dans le Calvados, dans une circonscription jugée largement « gagnable ». De quoi escompte-t-elle asseoir sa légitimité.

Marquée à gauche

Au moment de sa nomination dans le gouvernement d’Édouard Philippe en mai 2017, Élisabeth Borne était une parfaite inconnue du grand public. Marquée à gauche, elle était passée par les cabinets de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002) et par celui de Ségolène Royal à la Transition écologique (2014-2015), sans oublier un détour par la préfectorale et la mairie de Paris.

Avant d’être ministre en 2017, elle dirigeait la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs (SONACOTRA), la société Eiffage, et présidait la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Elle incarne cette société, dite « civile » mais en fait très connectée à la politique pour ce qui la concerne, qu’Emmanuel Macron a voulu faire émerger au début de son premier quinquennat, avec des ministres plus réputés pour leurs connaissances des dossiers que par leurs parcours politiques.

Avec Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Jean-Yves Le Drian, Élisabeth Borne fait partie des rares ministres qui le sont restés tout au long du quinquennat. Nommée aux Transports en mai 2017, elle est appelée à la rescousse en juillet 2019 pour remplacer au pied levé à la Transition écologique François de Rugy, contraint à la démission. Un an plus tard, elle est propulsée au ministère du Travail à la place de Muriel Pénicaud.

Plusieurs dossiers sensibles

Dans ses différents ministères, Élisabeth Borne a géré plusieurs dossiers sensibles comme la réforme de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) au printemps 2018 ou la réforme de l’assurance chômage en 2021. Son bilan en tant que ministre du Travail – baisse du chômage, bons résultats en matière d’apprentissage – a fait d’elle une prétendante naturelle pour Matignon.
« Être une femme et venant de la gauche permet à Emmanuel Macron de cocher des cases, mais le Président de la République restera le vrai chef de la majorité », note un soutien du chef de l’État.

Élisabeth Borne est une femme exigeante, connue pour sa compétence, son souci du détail, sa prudence et aussi sa volonté de tout contrôler. Plus une « super collaboratrice » – à l’image de Jean Castex – qu’une politique, comme Édouard Philippe.
Sur la forme, son bilan est plus mitigé : dure, voire brutale, froide, cassante, interventionniste à en user ses équipes… Avec elle, une note incomplète ou imprécise expose son auteur à des moments difficiles. Celles ou ceux qui l’ont côtoyé louent certes sa capacité intellectuelle, sa rigueur dans la maîtrise des dossiers, mais – très souvent – pointent l’ambiance qu’elle a imposée parmi ses troupes.

« Borne out »

« Elle est très dure, jusqu’à lessiver ses équipes. Très grosse travailleuse, elle s’attend à ce que tout le monde autour d’elle suive le même rythme », estime Gilles Dansart, journaliste, rédacteur en chef du site Mobilettre et spécialiste du transport ferroviaire. Dans les couloirs du pouvoir, la nouvelle Première ministre a rapidement gagné un surnom : « Borne out ».

L’exaspération a parfois été telle que certains dans l’administration ont envisagé sérieusement d’en référer par écrit au Président de la République et au Premier ministre, sans suite finalement. « Ce n’est pas une bisounours dans ses relations de travail, c’est sûr. Mais cela s’est normalisé avec le temps », confie une source proche à l’AFP, tout en anticipant des réunions bilatérales « compliquées » avec celui ou celle qui la remplacera au ministère du Travail.

Les syndicalistes se souviennent aussi d’Élisabeth Borne. Au printemps 2018, elle était chargée de mener à bien la réforme de la SNCF. Elle a dû gérer une grève perlée qui finira par s’essouffler. « Elle était intransigeante, restant sans dévier sur la ligne fixée par Matignon. Il n’y avait pas grand-chose à négocier. Et avec les représentants syndicaux, elle est toujours restée distante et froide », se rappelle Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa Ferroviaire). À Matignon, elle héritera du dossier des retraites, réforme majeure du quinquennat qui s’ouvre.

Réactions

La nomination d’Élisabeth Borne a suscité des réactions mitigées, à droite comme à gauche de l’échiquier politique français. En voici quelques-unes.

Peu de temps après sa nomination, Emmanuel Macron s’est adressé à sa nouvelle Première ministre sur tweeter par un « ensemble, avec le nouveau gouvernement, nous continuerons d’agir sans relâche pour les Françaises et les Français ».
La patronne du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, a critiqué la décision prise par Emmanuel Macron, montrant son « incapacité à rassembler » et la poursuite de « sa politique de mépris, de déconstruction de l’État, de saccage social, de racket fiscal et de laxisme ».
Le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé « une nouvelle saison de maltraitance sociale et écologique ». Il a proposé aussi à Élisabeth Borne un débat sur son bilan et la politique qu’elle souhaitait mettre en œuvre dans les prochains mois.
Interrogée sur BFMTV sur ce choix d’Emmanuel Macron, Édith Cresson, première et dernière femme à avoir occupé ce poste sous François Mitterrand (1991-1992) n’a pas caché sa joie.

« C’est une fonction difficile où l’on est sans cesse critiquée, pas seulement par les adversaires politiques, mais aussi par la presse, je suis sûre qu’elle saura faire face aux difficultés qu’elle risque de rencontrer ».

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