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Faux : la RDC n’a jamais invité la Force onusienne

La montée des violences à l’Est du pays entre les 25 et 29 juillet 2022 avec pour « protagonistes » la population civile congolaise et les Casques bleus de la Monusco fait dire à d’aucuns que cette force est présente en République Démocratique du Congo à l’initiative des autorités congolaises. Conséquence : plusieurs faiseurs plutôt que leaders d’opinion récupèrent à leur compte cet argument et l’utilisent (comme) pour engager la responsabilité des Congolais dans les dérapages en cours. Il est vrai qu’il y a l’Accord de siège (Sofa) signé le 4 mai 2000 par Kamel Morjane pour l’Onu, en tant que Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies) et Yerodia Abdoulaye Ndombasi pour la RDC, en qualité de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale…

Maintien et rétablissement de la paix, neutralisation des groupes armés

Comment cependant en est-on arrivé là ? La réponse, on s’en doute, est dans l’Accord de Lusaka signé par la partie Gouvernement le 11 juillet 1999, le MLC et le RCD l’ayant fait plus tard. C’est, en effet, dans cet accord que sont prévus la composition et le déploiement d’une Force internationale. Pour être précis, en voici le libellé pour les points 1 et 2 du Chapitre 8 : « L’Organisation des Nations Unies, en collaboration avec l’OUA, devra constituer, faciliter et déployer une force appropriée en République démocratique du Congo pour assurer la mise en œuvre du présent Accord. Le mandat de la force des Nations Unies devra inclure les opérations de maintien et de rétablissement de la paix telles que décrites ci-dessous ».

C’est donc clair : la Mission onusienne n’a jamais été invitée par le Gouvernement congolais. Elle est venue par la volonté de l’Onu, en collaboration avec l’OUA.
Premier objectif assigné à cette force : Maintien de la paix (8.1) et Rétablissement de la Paix (8.2). Second objectif : Neutralisation des groupes armés clairement identifiés au Chapitre 9 : ex-FAR, ADF, LRA, UNRF II, milices interahamwe, FUNA, FDD, WNBF, le NALU, UNITA et toutes autres forces.

Vingt-deux ans après le déploiement, qui peut vraiment en toute conscience et responsabilité positiver le bilan de la Monuc/Monusco ?

Au Conseil de sécurité des Nations Unies, on a la réponse : la gêne ! Oui, la gêne de voir la plus grosse mission onusienne de l’histoire des Nations Unies (plus de 20.000 éléments armés et non armés, un budget colossal de plus de 20 milliards de dollars américains et une présence continue de 22 ans) ne pas parvenir à réaliser un seul de ses objectifs sécuritaires.

En termes de management, c’est un investissement à perte. Sauf, bien entendu, autre agenda que celui promu par la communication diplomatique.

Quoi de plus normal que d’entendre ou de voir les Congolais en venir à soupçonner la Mission onusienne d’être un instrument fabriqué par des décideurs avec pour mandat de faire autre chose que ce qui se dit…

Responsabilité constitutionnelle et souveraineté, et après ?

De toutes les façons, dès l’instant où la Monusco prétend qu’elle est au Congo à la demande des autorités congolaises (le contraire vient d’être démontrée dans l’introduction), la logique veut qu’elle s’incline à la demande contraire.

Or, depuis plusieurs années, Kinshasa peine à négocier le retrait préconisé même si énième deadline est annoncé pour 2024.

Déjà, il se constate, la veille de chaque renouvellement du mandat, un regain de tension dans les zones sensibles comme Beni-Butembo-Bunagana au Nord-Kivu, Irumu-Djugu en Ituri, Uvira au Sud-Kivu, comme pour pérenniser la présence en territoire congolais de la force onusienne.

Le paradoxe est que dans chaque résolution du Conseil de sécurité de l’Onu justifiant le renouvellement du mandat de la Mission onusienne, revient systématiquement le rappel de la responsabilité constitutionnelle de la RDC de sécuriser sa population pendant que le mandat la Mission tout aussi systématiquement soulignée est de sécuriser la même population.

A propos d’ailleurs de la sécurisation, c’est à la RDC qu’en revient la charge pour les ressources humaines et pour la logistique. C’est clairement spécifié à l’article 48 de l’Accord de siège (Sofa) ainsi libellé : « Le Gouvernement prend toutes les mesures utiles pour assurer la sécurité de la Monuc et de ses membres. A la demande du Représentant spécial du Secrétaire général, le Gouvernement assure la sécurité voulue pour la protection de la Monuc, de ses biens et de ses membres pendant l’exercice de leurs fonctions ».

Pour simplifier la perception de l’enjeu, le Gouvernement congolais sécurise à la fois sa population et la Monusco qui, elle, a mandat de sécuriser aussi la population.

A première vue, la population gagne de la double sécurisation. Mais, dans la pratique, elle en fait les frais dans la mesure où il y a plus d’occasions de collusion que d’union entre les deux protecteurs ; le Gouvernement voyant son autorité diluée dans certains cas et à certains endroits par son partenaire.

Le paradoxe est aussi que, dans chacune de ses résolutions, le Conseil de sécurité reconnaît et fait reconnaître à la communauté internationale la souveraineté de la RDC sur le territoire national. Or cette souveraineté ne peut nullement s’exercer pleinement. On en veut pour preuve la condition de certification de la traçabilité pour l’acquisition des armes, cette condition sine qua non étant autre chose qu’un embargo dans l’entendement des décideurs ! Mais, surtout, l’option levée par la Monusco de se retirer plus à ses propres conditions qu’à celles des autorités congolaises.

La finalité à se deviner est terrible pour le Pouvoir central qui voit son autorité s’étioler dans le chef de la population congolaise.

Par quoi qualifier alors les faits, primo, d’engager la responsabilité constitutionnelle d’un État souverain, secundo, de priver cet État de la plénitude d’acquérir son matériel de défense sans que cela ne s’appelle embargo et, tertio, d’imputer au même pays l’initiative d’avoir invité la Mission onusienne pendant que c’est faux sur toute la ligne !
Inutile de répondre.

Ou du moins, s’il faut s’y résoudre, l’exemple à prendre est celui du membre de famille invité ou non. Lorsqu’il commence à conditionner son retour de l’endroit d’où il est venu, on n’est pas loin du des troubles dans la maison…

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