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INTERNATIONAL

Grande-Bretagne : le lourd héritage de Charles III

« La mort de ma mère adorée, sa Majesté la reine, est un moment de grande tristesse pour moi et tous les membres de ma famille. Nous pleurons profondément le décès d’une souveraine chérie et d’une mère très aimée. Je sais que sa perte sera profondément ressentie dans tout le pays », a déclaré le nouveau roi à la télévision en hommage à sa mère disparue, jeudi 8 septembre 2022, à l’âge de 96 ans dans son château de Balmoral, en Écosse, après 70 ans de règne.

Quel roi sera Charles III ? s’interroge-t-on aujourd’hui. Celui que l’on a longtemps moqué et caricaturé endosse les habits de chef d’État avec un lourd héritage : celui d’une souveraine unanimement respectée, au règne d’une durée inégalée. Charles III va-t-il souffrir de la comparaison ? On peut le penser. Pourtant ses sujets semblent l’avoir accueilli avec une certaine bienveillance, comme en témoignent les images diffusées par différentes chaînes de télévision locales et internationales.  

Ses premières déclarations ont été appréciées par ses sujets, des ovations à chaque apparition publique. En tout cas, les premiers pas du roi Charles III sont généralement salués par les Britanniques qui croient fermement qu’il a vraiment envie d’assumer la responsabilité qui lui incombe. D’aucuns soutiennent même qu’entre sa seconde épouse, Camilla, et lui, le futur s’annonce bien, « ce sera un bon roi ».

Mais aura-t-il la même stature que sa mère, Élisabeth II ? Wait and see. Mais il faut rappeler que Charles III a quand même été à une bonne école. Il a longtemps observé sa mère et il a eu un bon professeur. On imagine que sa maman lui a appris beaucoup et lui-même a déjà fait de bonnes choses pour le pays. Enfant bien éduqué, les Britanniques estiment qu’il fera très bien le job et lui font entièrement confiance. Il faut surtout ne pas oublier qu’il est préparé à ça depuis toute sa vie, donc il sait comment faire et il sait comment suivre les pas de sa mère. Certes, le nouveau roi a eu une mauvaise réputation pendant la période des tensions avec sa défunte épouse, Diana Spencer, dite Lady Di. Mais comme sa mère, qui a réussi à conserver le soutien et l’affection du peuple britannique pendant sept décennies, il a l’obligation de servir ses sujets avec loyauté, respect et amour. C’est ainsi qu’il gagnera leur cœur.  

REDORER LE BLASON DE LA MONARCHIE

Le premier défi pour Charles III sera de redorer le blason de la monarchie britannique. Car si l’institution est encore largement populaire en Grande-Bretagne – 62% sont pour son maintien, selon un sondage publié en juin 2022-, son aura baisse d’année en année, notamment chez les jeunes. D’après cette même étude, seuls 33% des 18-24 ans veulent ainsi préserver l’institution, contre 59% en 2011.

La cause de ce désamour grandissant : des scandales à répétition qui ont éclaboussé la couronne britannique. Parmi ceux-ci, des accusations d’agressions sexuelles visant le prince Andrew, frère de Charles III, puis des allégations de racisme visant la famille royale, de la part de son fils Harry et de son épouse Meghan Markle. Le livre mémoire que va bientôt sortir le prince Harry fait déjà trembler la famille royale. En parallèle, alors que la Grande-Bretagne connait une inflation record, plusieurs voix s’élèvent dénonçant aussi une institution jugée trop coûteuse et archaïque.

Face à ces critiques, Charles III est déjà passé à l’action. Lors de son discours du trône, ce dernier avait esquissé sa vision de la monarchie, annonçant vouloir réduire ses membres actifs – ceux vivant aux frais de la couronne – à seulement quelques personnes : sa femme, Camilla, et lui-même, son fil et successeur, William, son épouse Kate et leurs trois enfants.

Outre ces questions financières, il a aussi évoqué de transformer le palais de Balmoral en musée et d’ouvrir plus les portes de Buckingham avec une volonté de moderniser et de démocratiser la monarchie.

UN ROI PLUS POLITISÉ

Charles III détonne par rapport à l’image de sa mère qui a vu passer 15 Premiers ministres britanniques et a observé une neutralité politique. Le prince de Galles n’a jamais hésité à prendre position sur les sujets d’actualité, quitte à provoquer des controverses. Fervent défenseur de l’environnement, il s’est régulièrement exprimé sur le réchauffement climatique mais aussi sur la politique britannique vis-à-vis de la Chine ou encore les questions migratoires. En 2004-2005, il est allé jusqu’à écrire une série de lettres connues sous le nom de « mémos de l’araignée noire », pour faire pression sur les ministres concernant un certain nombre de sujets. Il est aussi subtilement intervenu lors de la campagne du référendum sur l’indépendance écossaise de 2014, suggérant à ses sujets de « bien réfléchir » à leur avenir.

Désormais sur le trône, se pliera-t-il à la neutralité qu’exige sa fonction ? Lors de son discours télévisé, vendredi 9 septembre, son premier depuis l’accession au trône, il a admis : « Il ne me sera plus possible de consacrer autant de temps et d’énergie aux organisations caritatives et aux questions qui me tiennent à cœur ».

Dans un documentaire de la BBC diffusé en 2018 pour ses 70 ans, il assurait qu’il ne ferait plus d’interventions intempestives une fois devenu roi : « Je ne suis quand même pas stupide », précisait-il.

MAINTENIR L’UNITÉ NATIONALE À TOUT PRIX

La question de l’engagement politique du nouveau roi sera un enjeu majeur pour l’avenir de la monarchie. D’autant plus que, s’il a pour vocation à être une source d’unité nationale, il prend ses fonctions dans un contexte où son royaume est plus divisé que jamais. La couronne devra faire face aux velléités d’indépendance de l’Écosse et aux tensions communautaires en Irlande du Nord. En cela, la première tournée du roi dans ces pays dans quelques mois aura un impact considérable.

De plus, en dehors des frontières britanniques, la mort d’Élisabeth II pourrait aussi perturber l’équilibre du Commonwealth, cercle culturel qui réunit 56 pays, pour l’essentiel des ex-colonies de l’Empire britannique. Ces dernières années, face à la santé chancelante de la reine, l’Australie ou le Canada, par exemple,  n’avaient pas caché attendre sa mort pour rouvrir les débats sur une abolition de la monarchie.

Au milieu de tout cela, Charles III va devoir incarner cette stabilité nationale. Son engagement politique pourrait être l’une des solutions. Il peut surprendre et incarner quelque chose de nouveau par rapport à sa mère, en matérialisant une vision politique mais mesurée dans un contexte où la classe politique est très instable. Et c’est cela qui pourrait faire sa popularité.

Notons pour conclure que Charles III accède au trône au moment où Downing Street accueille Liz Truss, la quatrième Première ministre en six ans, symbole d’une crise politique ouverte en Grande-Bretagne depuis le vote du Brexit en 2016.

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