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Conclusion du rapport de GEC : L’Église catholique fait focus sur les élections

Le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) a publié, lundi 3 octobre, un rapport intitulé : « l’Église catholique en RDC : au milieu du village ou au cœur  de la contestation » ? Selon ce document, la détermination de l’Église catholique à « ne mobiliser le plus souvent les fidèles que pour exiger la tenue des élections crédibles constitue une opportunité manquée. D’autant que la défaillance du système démocratique congolais ne tient pas seulement à la fraude électorale ».

Le rapport de GEC met l’accent sur l’activisme politique de l’Église catholique congolaise – concentré essentiellement aux droits politiques – et sur ses propres défis de démocratie en interne.

« L’Église catholique est un acteur important de la sphère politique congolaise. De la Conférence nationale souveraine aux protestations autour du processus électoral entre 2015 et 2018, en passant par la redynamisation d’une opposition politique affaiblie par les pratiques de débauchage et de corruption, elle a joué un rôle crucial dans la lutte pour la démocratie dans le pays, à travers notamment la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et le Comité laïc de coordination (CLC) », rappelle le rapport.

Le directeur du GEC, Jason Stearns, présente l’Eglise catholique comme « le socle des mouvements de protestation au Congo depuis au moins 1992, une autorité morale et un réseau de mobilisation ».

Même si tout le monde peut reconnaître l’activisme politique courageux de l’Église catholique congolaise, celle-ci n’a cependant pas mis une énergie similaire pour des questions non liées aux élections, à l’instar de celles relatives à justice sociale, ajoute-t-il.

« Nous soutenons également que la décentralisation de l’Église catholique en RDC fait partie de ses obstacles internes sur le plan démocratique. Elle ne lui permet pas toujours de faire émerger un point de vue commun et cohérent entre les évêques. Aussi faudrait-il ajouter la problématique de la redevabilité au sein de l’Église, ses dirigeants n’étant pas élus par des paroissiens et ne rendant qu’exceptionnellement compte à ces derniers », analyse le rapport.

Pour Jason Stearns, « l’Église s’est concentrée de manière relativement étroite sur les élections, négligeant d’autres questions importantes et doit travailler davantage pour être plus transparente et redevable à ses membres ».

Quant aux mouvements laïcs, particulièrement le CLC et le Conseil de l’apostolat des laïcs du Congo (CALCC), ils ont certes été incontournables pour les manifestations de rue, ils doivent cependant recourir davantage aux mécanismes de démocratie directe en leur sein afin de faire participer de plus en plus le citoyen au processus de prise de décision.

Conclusion et considérations politiques

Selon les conclusions du rapport de GEC, rien ne garantit que l’Église reste une force progressiste en politique – il n’en a pas toujours été ainsi. Comme nous l’avons vu, des membres de l’Église – et, pendant l’ère coloniale, l’Église elle-même – ont été complices d’abus généralisés.

Toutefois, la lutte pour la démocratie entre 1990 et 2018 révèle une Église largement investie dans la promotion et la consolidation de la démocratie. Cela ne devrait pas nécessairement être le cas – il existe de nombreux pays en Afrique et ailleurs où l’Église est restée apolitique ou a même soutenu des dirigeants autoritaires.

Le dynamisme de l’Église congolaise est très probablement le résultat d’un leadership fort, mais aussi d’une communauté laïque investie qui reste inspirée par l’héritage des cardinaux Monsengwo et Malula, ainsi que par la mystique précoloniale Béatrice Kimpa Vita et les martyrs béatifiés Isidore Bakanja et Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta.

L’état actuel de l’Église catholique est incertain. Pendant la période de 2015-2018 étudiée ici, une grande partie de la population était unie contre le gouvernement de Joseph Kabila. L’élection de Félix Tshisekedi, cependant, a divisé la population ainsi que les donateurs et la société civile. De nombreux dirigeants d’ONG, notamment ceux de sa région natale du Kasaï, ont été séduits par les promesses de réforme du nouveau chef de l’État. De même, certains évêques catholiques de la même région ont plaidé en faveur de la patience et de l’indulgence.

« Lors de la mobilisation de 2018, la population était très fatiguée de l’ancien régime. Avec l’avènement du nouveau régime, la population est divisée à cause des intérêts partisans, même au sein de l’église. La réflexion est à ce niveau de savoir s’il faut continuer à organiser les marches sachant que la population ne fera pas bloc», tente de résumer Gertrude Ekombe, un dirigeant du CLC.

De nombreux membres de l’Église sont mécontents du fait que Tshisekedi n’a pas, par le décompte clair de sa propre mission d’observation électorale, remporté les élections de 2018, et beaucoup craignent également que les prochaines élections, initialement prévues fin 2023, ne soient entachées de fraude et de manipulation.

« Si les élections se déroulent dans ces conditions, elles seront une mascarade », estime un prêtre consulté. La manière dont Tshisekedi a procédé aux nominations à la Cour constitutionnelle et à la commission électorale, et l’absence de réformes sérieuses de la loi électorale vont dans ce sens.

(…) Plusieurs facteurs détermineront si l’Église pourra continuer à servir de colonne vertébrale au mouvement pro-démocratique. Un leadership visionnaire et courageux restera essentiel. Mais ni la mobilisation de 1992 ni celle de 2015-2018 ne sont venues de la CENCO ; ce sont des membres laïcs de l’Église qui se sont organisés, parfois avec le fort soutien des évêques, mais souvent aussi de leur propre chef.

Pour l’instant, ces organisations laïques souffrent d’un manque d’organisation et de ressources et sont dirigées principalement par des leaders vieillissants.

Alors que la CENCO semble prête à envoyer une autre grande mission d’observation électorale, il est peu probable qu’elle soit capable de mobiliser la population dans les rues comme elle l’a fait précédemment. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose ; ce pourrait être le moment pour l’Église, et ses groupes laïcs associés, d’investir dans l’éducation civique et les débats nécessaires pour inspirer une nouvelle génération d’organisations de base. Il existe deux approches, potentiellement complémentaires, à cette question. Les laïcs catholiques pourraient essayer de leur propre chef d’institutionnaliser le CLC, en l’implantant dans tout le pays et en créant des mécanismes de contrôle internes qui la mettraient à l’abri des pressions politiques extérieures. Ou bien le CALCC pourrait essayer de se libérer de son asservissement actuel aux évêques, en renforçant ses liens avec les mouvements sociaux et la société civile, et en s’engageant dans l’éducation et la mobilisation civique. 

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