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Nationalisme pragmatique : catalyseur du développement en RDC

Depuis son accession à l’indépendance, le 30 Juin 1960, après 75 ans de domination belge, jusqu’à nos jours, la RDC a connu successivement cinq régimes politiques qui se sont succédés au pouvoir, sans pour autant justifier ni rationnaliser le retard criant de développement dont souffre le peuple congolais. Afin de répondre aux échecs successifs de tous ces régimes, le professeur Nkere Ntanda Nkingi vient de publier son ouvrage intitulé « Nationalisme pragmatique : catalyseur du développement en RDC ». Nous publions ici, chapitre par chapitre, en commençant aujourd’hui par le premier qui est l’introduction générale, cet ouvrage qui constitue une sorte d’éveil patriotique à un nationalisme adapté à la situation congolaise.

Introduction

Au moment où nous couchons ces écrits à l’aube de l’an 2020, la République Démocratique du Congo, RDC, occupe la huitième place des pays les plus pauvres du monde. En même temps, ce pays légendairement qualifié de « scandale géologique » reste parmi les pays les plus convoités du monde à cause de ses richesses naturelles innombrables et qui incluent l’or, le diamant, le niobium, le cuivre, le cobalt, l’étain, le manganèse, le plomb, le zinc, le charbon, l’uranium, le pétrole, pour ne citer que ces exemples de son sous-sol. Ajouter à cela ses forêts denses faisant d’elle le « deuxième poumon du monde » après l’Amazonie ; sans oublier ses 88 millions d’hectares de terres arables qui font d’elle le deuxième pays au monde en terres arables qui, si exploitées, lui donnent la capacité de nourrir toute l’Afrique ! Autant de richesses qui depuis des temps immémoriaux font rêver aux Congolais de vivre dans un « paradis terrestre » qui ne vient toujours pas, car s’étant transformé en leur vrai « mouroir ».

Depuis son accession à l’indépendance le 30 Juin 1960, après 75 ans de domination belge, jusqu’à nos jours, la RDC a connu successivement cinq régimes politiques qui se sont succédés au pouvoir, le cinquième y étant encore au moment de ces écrits. Cependant, durant tous ces 60 ans d’indépendance aucun de ces régimes n’a été capable de mettre en place un système de gouvernance et de gestion pouvant engendrer et pérenniser le bien-être du peuple congolais. Les difficultés de gouvernance et de gestion qui accablent déjà le cinquième régime seulement deux ans après son accession au pouvoir font état du statu quo !

 Les régimes politiques avant lui se sont plutôt distingués, les uns plus scandaleusement que les autres, par des pratiques prédatrices de gouvernance et de gestion antinationalistes, anti-congolaises et consistant à gérer la RDC comme un bien personnel. Ceci contre toute objection d’origine aussi bien interne qu’externe.

Il va sans dire que les conséquences d’un tel modèle de gouvernance et de gestion ne pouvaient qu’être désastreuses pour le peuple congolais car renvoyant à l’oubli toute attention concernant la réalisation de l’intérêt général sous forme du bien-être des citoyens congolais, vraie raison d’être de tout Etat ou régime politique. Ainsi, les échecs successifs de tous ces régimes ayant dirigé la RDC expliquent sans pour autant justifier ni rationnaliser le retard criant de développement dont souffre le peuple congolais depuis l’indépendance du Congo.

Un retard de développement très visible et qui se concrétise sur l’ensemble du territoire national par des infrastructures routières, maritimes, ferroviaires et aériennes complètement délabrées si existantes; un système éducationnel totalement démuni, archaïque et corrompu; un système sanitaire intégralement démodé, détérioré et surtout inaccessible car souvent inexistant; un réseau alimentaire très pauvre, entièrement dégradé et prisonnier des importations étrangères; un système d’habitat quasi primitif, très limité et extrêmement déséquilibré; un taux de chômage très élevé et en augmentation vertigineuse et continue dans un système où plus de la moitié de la population en âge de travailler ne le peut du fait que les emplois sont très rarement créés et, quand il y en a, très mal payés dans un pays d’ « Etat- Providence» où l’Etat reste le plus grand employeur; un appareil judiciaire profondément corrompu, démuni, décalé, laxiste, ayant légitimé l’impunité et où seul l’argent plaide; un système sécuritaire faible, mal équipé, mal encadré, infiltré, rongé par des guerres civiles interminables d’origine aussi bien interne qu’externe exposant la RDC à une balkanisation (vraie ou imaginaire) et à l’insécurité permanente de personnes et de leurs biens; mais enfin et surtout des citoyens congolais ne faisant preuve d’aucune conscience nationale sous forme d’amour pour la Patrie / la Nation, pourtant vrai soubassement du développement.

De tout ce qui précède, les fléaux et déficiences exposés nous ont été utiles pour corroborer le sous-développement de la RDC. Cependant, c’est le dernier fléau qui reste le plus important et le plus déterminant ! En effet, l’ « amour pour la patrie ou la nation» quand il existe pour de vrai, reste le préalable le plus important et le plus indispensable pour la correction ou la réparation de toutes les insuffisances du sous-développement de la RDC ci-haut référencées.

La présomption générale innocente est que le commun des mortels aura difficile à faire du mal à celui, celle ou ce qu’il aime. En d’autres termes, quand un citoyen aime vraiment son pays il aura difficile à lui faire du mal à partir d’un poste quelconque de responsabilité occupé ; il ne saurait comploter contre lui avec des prédateurs étrangers ; piller ses coffres s’il en a l’occasion ; ou bref, il s’abstiendrait toujours à l’affaiblir d’une manière ou d’une autre toutes les fois qu’il en aurait la possibilité. Un Congolais qui aime réellement la RDC ne lui imposerait jamais tous ces maux-là. Il adopterait plutôt une façon positive d’être et de vivre dont les ramifications sociales sont nécessairement constructives et de ce fait contribuent au développement de la RDC. C’est seulement dans ce contexte que « the love of country » ou l’amour de la Patrie devient alors le tremplin du développement. Il devient en fait la panacée à maîtriser et à intérioriser par tous les citoyens d’un pays pour qu’il engendre le développement avec l’implication volontaire de tous.

D’où l’effort dans ce travail de comprendre ce qu’est cet amour pour la Patrie, d’où vient-il, comment le traduire en parole et en action en vue de le capitaliser pour le développement de la RDC.

C’est aussi pour cette raison que ce travail est également une interpellation du peuple congolais, en général, et de la jeunesse et des intellectuels congolais, en particulier. Un appel, une vraie sommation par rapport à la responsabilité citoyenne ; quand on sait que dans notre pays la RDC, la réaction la plus courante face aux problèmes communautaires consiste souvent à ne solliciter que l’Etat pour leur résolution. Très probablement, le commun des mortels à Kinshasa face à un problème communautaire réagirait en Lingala en disant « l’Etat atalela biso likambo oyo ».

En d’autres termes, que l’Etat trouve la solution au problème en question. Comme si les Congolais eux-mêmes en tant que citoyens sont toujours incapables de trouver des solutions à certains de leurs problèmes communautaires. Toutefois, pendant que l’irresponsabilité et même l’absence continuellement affichées de l’Etat congolais depuis toujours face à ses responsabilités régaliennes sont ici dénoncées et condamnées ; il s’agit néanmoins d’une culture et d’un mode de vie essentiellement caractérisés par une léthargie collective consciente ou inconsciente, par rapport à l’action collective et qui doit nécessairement être révoquée en RDC. Une culture où un peuple a pris l’habitude de plus se plaindre que d’agir pour trouver solution à certains des problèmes qu’il confronte.

C’est pourquoi cette interpellation est encore plus opportune au lendemain des élections présidentielles et législatives de décembre 2018 en RDC et qui ont ; pour la toute première fois dans l’histoire de notre pays, permis une passation paisible du pouvoir d’un régime sortant à un régime entrant. Car, au moment où les nombreux espoirs des Congolais par rapport à la résolution de leurs problèmes de tous les jours (problèmes de logement, alimentation, emploi, éducation, accès aux soins médicaux, etc.) semblent se renouveler grâce à ce changement cathartique au niveau du pouvoir politique; il est impératif que le commun des Congolais comprenne qu’aucune solution ne sera trouvée à un seul de ces problèmes tant que les gouvernés congolais n’auront pas changé leurs attitudes et comportements vis-à-vis de la mère-patrie ROC. Ou alors, les solutions seraient trouvées mais très difficilement qu’il ne le serait autrement. Ceci suite à ces attitudes et comportements qui en soi contribuent à la stagnation générale et chronique de la RDC.

Cette transformation collective attitudinale et comportementale est impérative puisque la transformation ou le changement de la population par rapport aux attitudes et comportements entraine obligatoirement le changement de la classe dirigeante qui naturellement en émane. Les gouvernants ne tombent pas du ciel ! Les dirigeants d’aujourd’hui sont des simples citoyens d’hier ; des simples voisins d’avant- hier. Plus les citoyens sont bons, corrects, responsables, éduqués, nationalistes et patriotes ; plus les seront les dirigeants qui en seront l’émanation. C’est cette corrélation entre les gouvernés et les gouvernants qui justifie la culpabilité à accepter de part et d’autre ; même si à des niveaux parfois différents, par rapport à l’échec de développement de la RDC. Les populations congolaises devraient dorénavant apprendre à accepter leur part de responsabilité et comprendre qu’elles y sont pour beaucoup dans la stagnation et le marasme de tout genre qui accablent la République.

Un constat qui reste aussi valable pour les autres pays d’Afrique. Puisque les facteurs qui sont valables pour le développement et le sous-développement de la RDC les sont nécessairement pour celui des pays africains aux maux similaires.

Restant dans cette même logique, disons encore plus qu’ils les sont aussi pour l’ensemble des pays aux populations noires de par le monde qui ont continuellement des problèmes d’organisation et de développement. Ils en ont tellement qu’on serait tenté de penser dans certains milieux intellectuels que le sous- développement est lié à la race noire ! Pendant qu’il existe quelques rarissimes exceptions à cette réalité, le fait reste que pour la majorité des entités politiques de par le monde où rien ne va à cause de la pauvreté, des maladies, des crises alimentaires et sanitaires chroniques, du chômage, des gouvernants corrompus et cyniques ; les populations sont nécessairement et toujours noires ou de couleur sombre ! Cela reste le cas surtout en Afrique, en Amérique Latine et dans une bonne partie de l’Asie. Voilà bien une situation qui devrait, plus que n’importe quoi, mettre très mal à l’aise et interpeller tout intellectuel de couleur noire ! Pendant que l’héritage colonial et néocolonial négatif reste responsable pour certaines difficultés de développement parfois ressenties aujourd’hui par la RDC et par tant d’autres pays sous- développés ; il sied de faire observer ici que soixante ans après son indépendance cela devient un argument difficilement défendable pour un pays comme la RDC.

Le temps où les séquelles de la colonisation pouvaient encore servir de justification pour les difficultés de Congolais est révolu. Notre postulat dans le cas de la RDC, et comme il sera continuellement argué dans ce travail, consiste à dire que cette situation débilitante et honteuse de sous-développement est, plus qu’une autre chose, le résultat de l’égoïsme, de la cupidité, de l’irresponsabilité, de l’insouciance et du manque total d’amour pour son pays, sa Patrie, ses compatriotes, sa Nation par la majorité de Congolais. Chacun dans cette majorité attend son tour pour dilapider la République à partir d’une quelconque position de responsabilité, si du tout il ne le fait pas déjà. Pourtant, il est plus que temps que le commun des Congolais comprenne que c’est impératif d’aimer sincèrement la RDC comme préalable à son développement par Nous les Congolais. C’est incontournable comme exigence pour les gouvernants et gouvernés congolais. (À suivre)

Dr. Nkere Ntanda Nkingi, PhD, Professeur Ordinaire à l’UNIKN

 

 

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