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La protection du droit de recours dans un contentieux des résultats en RDC

Dans ce domaine, en effet, les lois applicables étant les mêmes, leur applicabilité devrait demeurer invariable de peur que les décisions advenues ne s’en départent. Et la loi suprême qu’est la Constitution ne devrait pas souffrir de subtilité des décisions du juge. Le droit de recours entendu comme liberté pour tout citoyen d’exercer un recours contre toute décision administrative ou judiciaire qui préjudicie à ses intérêts, demeure, à tout point de vue, une liberté individuelle qu’il faille à tout prix, protéger. Cette protection est, cependant, sujette à plusieurs incommodations judiciaires dont la plus en vue est l’interdiction, mieux, la restriction d’exercice de ce droit notamment en matière de contentieux des résultats des élections législatives où les prévisions de l’article 168 alinéa 1er semblent se contrarier avec celles des articles 21 et 61 de la Constitution, ce dernier proscrivant en son point 5, l’interdiction d’exercice de tout recours.

La compréhension de la volonté du constituant de 2006 a, à cet effet, fait l’objet de plusieurs contrariétés jurisprudentielles. En effet, le juge du contentieux de résultats à tâtonné, allant de l’acceptation du droit de recours en rectification d’erreurs matérielles comme en 2007, à son irrecevabilité totale, comme en 2012 où l’expression « d’aucun recours » a été salvatrice pour le juge qui a pu s’y fonder pour rejeter toute tentative du justiciable tendant à profiter de l’ouverture légale de l’article 74 quinquies alinéa 3 de la loi électorale, pour tirer de la rectification d’erreurs matérielles contenues dans la décision du juge, les dividendes de la rectification d’erreurs matérielles contenues dans les résultats provisoires publiés CÉNI, tel qu’il ressort des prévisions de l’article 75 de la même loi.

L’évidence de proscription de recours n’a pas du tout résisté au ballottement de 2019 lorsque le juge, prenant en compte d’autres considérations notamment d’ordre socio-politique comme la régulation de la vie publique, revient plus d’une fois sur des décisions et les modifie, dans un contexte de processus électoral malmené du fait des circonstances exceptionnelles.

Le juge fait recours à une fonction de régulation électorale en s’appuyant sur son statut constitutionnel de régulateur du fonctionnement normal des institutions et des activités des pouvoirs publics. Confronté à des situations particulières, le juge de la régulation électorale est ainsi tenu, en dépit même de l’absence d’une base textuelle claire, d’apporter une réponse adéquate à la hauteur de la délicatesse de la question soulevée, afin de préserver l’édifice institutionnel.

Dans l’exercice de cette fonction, il déploie des pouvoirs exorbitants comme l’injonction et la substitution dans le but exclusif de garantir l’aboutissement d’un processus électoral perturbé. Cependant, à la conviction que la régulation peut être une aiguille au service de l’État de droit et de la démocratie, elle est redoutée non pas par évocation, mais en regard de la pratique qui ferait du juge la lisière entre la politique et le droit : on n’hésite pas à lui prêter l’intention de faire le lit au gouvernement de juges ou à déplacer les questions juridiques vers un terrain politique, au risque qu’il devienne un facteur de crise politique plutôt que d’en être gestionnaire.

La notion en vogue dans notre société de « députés élus et députés nommés » trouve sa raison d’être et justifie l’apprentissage du juge électoral congolais à qui d’aucuns reprochent la transformation du Palais de justice en un centre de vote, où la compilation des résultats non compilés conformément à la électorale par les CLCR, peut se faire même sans production des soubassements matériels à titre de preuves pouvant fonder l’intime conviction.

L’élection et la nomination des élus cessent d’être un mythe dans le processus de validation et l’invalidation, dans un environnement où le juge est autorisé à intervenir après le Parlement. L’on se demande quelle est la portée réelle d’une telle démarche lorsqu’on sait, selon la loi, que seule la Cour Constitutionnelle proclame les résultats définitifs des élections présidentielle et législatives.

Le juge constitutionnel et, à sa suite, celui électoral, ayant dans leurs missions de trancher des conflits de nature politique au point de ne pas être tenu à l’écart des discussions politiques, même alors qu’ils n’en portent pas le chapeau ; sans mesure, la régulation les prédisposerait à accomplir une activité politique déguisée.

Telles justifications ne suffisent pas à ébranler les fondements d’une justice saine et de stabilité d’un Etat de droit voulu par tous. Certes, la vie publique aura été régulée en raison de l’existence d’un Parlement, symbole de la séparation des pouvoirs et de la démocratie, mais le gros du problème demeure le manque de légitimité des « élus » qui, pour la plupart, ne sont pas l’émanation de la volonté des électeurs mais plutôt, celle des négoces politiques.

La contrariété d’arguments d’appréciation utilisés par le juge pour y parvenir traduit le malaise d’inconstance et d’instabilité jurisprudentielle, dans un système fragile où un véritable État de droit démocratique reste encore à construire.

Il va donc de soi que le règlement de contentieux électoraux se renfermant tout simplement dans les prévisions légales avec toutes les imperfections qu’elles comportent et devant l’évidence des constances jurisprudentielles avérées, l’on ne puisse qu’encourager la réflexion dans le sens de privilégier le règlement des conflits électoraux fondé sur l’équité et le bon sens, sans aucune méconnaissance des principes de la régularité et de la sincérité du vote.

La rectification d’erreurs matérielles et la tierce opposition s’y prêtent, en tant que voies de rétractation, comme solution idoine.

Cela est d’autant plus vrai, sous réserve des certains abus relevés, du « juge apprenti » du règlement des contentieux électoraux, que la première a plus d’une fois permis au juge de se rétracter après avoir corrigé l’erreur de calcul ou portant sur les noms et ou les identités des personnes concernées par sa décision entreprise ; tandis que la deuxième a été agréée et mise en œuvre, avec des conséquences évidentes sur le sort des élus.

Il en est de même de la prise à partie, chaque fois qu’il pourra être prouvé que le juge électoral a, dans ce cas précis, commis un dol.

A cet égard, la révision de la loi électorale de 2022, bien qu’insistant, à l’instar de celle de 2011, sur la comparution de « toutes les parties », autorise le juge de revenir sur sa décision attaquée, chaque fois que celle-ci comporte une inexactitude avérée des chiffres ou de vices de transcription. 

Kinshasa, le 10 septembre 2022

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