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CINQ QUESTIONS

Cinq questions à Joséphine Mbela Tshianday (*)

1. Comment définissez-vous le Protocole de Maputo ?

Le Protocole de Maputo est  la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples  relative aux droits de la Femme en Afrique. Il est le principal instrument  juridique de protection des droits femmes et des filles. Il garantit de façon spécifique, en son article 14, le droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction.

Les droits des femmes à la santé sexuelle et reproductive comprennent, notamment le droit pour elles d’exercer un contrôle sur leur fécondité ; le droit de décider de leur maternité ; du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances; le droit de choisir librement une méthode de contraception ainsi que le droit à l’éducation sur la planification familiale.

2. En quoi le Protocole de Maputo est-il pertinent pour les efforts visant à lutter contre le mariage des enfants ?

Le mariage des enfants n’est pas seulement une violation des droits de l’Homme mais aussi un frein au développement pour la République démocratique du Congo et pour l’Afrique tout entière. Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relative aux droits de la femme en Afrique, également connu sous le nom de « Protocole de Maputo » (Protocole), est un instrument juridique progressiste qui confère une diversité de droits aux femmes et aux filles africaines. Le Protocole de Maputo est né d’un processus conduit par des Africains. Il est considéré comme progressif, car il rend compte des défis auxquels les femmes et les filles africaines sont confrontées au quotidien. A titre illustratif, l’article 10 du Protocole consacre le droit à la femme de vivre en paix et de participer la promotion et au maintien de la paix. L’article 15 consacre les droits des femmes à la sécurité alimentaire, qui reste quand même un problème majeur dans nos pays africains, voir dans tout le continent. S’agissant du mariage des enfants, le Protocole est très spécifique sur cette question. L’article 6 (c) stipule que l’âge minimum du mariage est de 18 ans, ce qui exclut effectivement la pratique du mariage des enfants. L’article 6 (a) stipule également qu’aucun mariage ne doit avoir lieu sans le libre et plein consentement des deux parties. Lorsqu’une des parties ou les deux ont moins de 18 ans, leur situation peut leur imposer de ne pas être en mesure de donner leur consentement. C’est pourquoi nous affirmons que le mariage des enfants ne peut être libre et consensuel. Il est important de souligner que le mariage des enfants n’est pas quelque chose que vous regardez en vase clos.

3. Comment peuvent-elles négocier leurs droits en matière de santé et de procréation?

Le mariage des enfants comme une pratique culturelle, une tradition séculaire sur laquelle nous ne pouvons rien faire. Il faut aussi noter que le Protocole ne remet pas en cause nos cultures africaines, mais l’article 17 oblige les États à garantir le droit des femmes de vivre dans un contexte culturel positif. Il faudrait retenir que la culture n’est pas statique. Elle évolue et surtout aujourd’hui prend en compte les réalités actuelles, c’est-à-dire nous construisons des sociétés ou toutes les filles et toutes les femmes peuvent participer à toutes les sphères de la vie politique, sociale et économique. Et donc pour y parvenir, il nous faut éliminer efficacement les pratiques comme le mariage des enfants. Par conséquent, l’article 17 invalide l’argument selon lequel le mariage des enfants est une pratique culturelle à laquelle nous ne pouvons rien faire.

4. Les organisations de la Société civile peuvent-elles utiliser le Protocole dans leurs actions de lutte contre le mariage des enfants?

Il sied de noter que les instruments juridiques tels que le Protocole de Maputo ne seront efficaces que s’ils sont mis en œuvre tels que voulu par l’esprit du protocole. Les États ont l’obligation d’intégrer dans leurs lois et politiques nationales, les recommandations repris dans le Protocole de Maputo, autrement dit rendre accessible aux femmes et de veiller à ce qu’il s’attaque aux problèmes auxquels elles sont confrontées. Même s’ils ne sont que des signataires, ils ont l’obligation de ne pas aller à l’encontre de l’esprit du Protocole. Le Protocole de Maputo est unique en ce qu’il donne aux gouvernements des conseils spécifiques sur sa mise en œuvre. Toutefois, il existe un décalage entre le Protocole et ce qui se passe sur le terrain. La Société civile a un rôle essentiel à jouer de rappeler aux gouvernements l’importance  de veiller à ce que les protections énoncées dans le Protocole bénéficient aux femmes qui en ont réellement besoin. Mais aussi, encourager les décideurs à discuter de la manière dont ils peuvent mettre en œuvre le Protocole, tout en leur rappelant leurs obligations.

5. Quels progrès avez-vous constatés en ce qui concerne le Protocole de Maputo au cours de 10 dernières années?

Le Protocole est diversifié et met l’accent sur la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire, l’autonomisation économique et bien plus encore.

(*) Me avocate et chargée de l’administration et de plaidoyer à l’Acaj

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